Comment la démocratie répond-elle aux mensonges ? Les coups de couteaux dans le dos…..

Toujours se méfier du couteau dans le dos ©Getty – Max Dannenbaum

Provenant du podcastLe Pourquoi du comment : philo

Comment la démocratie lutte-t-elle contre le mensonge et pourquoi est-elle la seule manière de lutter ?

Ce qui caractérise l’espace public – qu’on peut dire ordinaire, l’espace où les humains sont en rapport par  le langage, cherchent ensemble la vérité, leurs intérêts, le pouvoir- ce qui caractérise l’espace politique ordinaire, c’est la coexistence de la vérité et du mensonge. Il y a pathologie de cet espace public quand le mensonge domine, quand il y a propagande, vérité sinon mensonge officiel systématique, mais le propre de l’espace public ordinaire, démocratique, c’est justement non pas d’imposer une vérité officielle, mais de permettre la coexistence de la vérité et du mensonge qui devient parfois fragile – mensonges d’état, prolifération de toutes sortes de mensonges et aussi, de cette autre pathologie qui n’est pas seulement de mentir soi-même, mais d’accuser les autres de mentir, d’être « soupçonneur ».

Deux pathologies politiques du mensonge

Il y a deux pathologies politiques du mensonge ; le fait d’être un menteur et le fait d’être un soupçonneur, le fait de croire aussi que les autres vous mentent. Et aujourd’hui, cette pathologie du

Comment la démocratie lutte-t-elle contre le mensonge ?

La démocratie, espace de coexistence assumée de tous les discours, dans certaines limites, ne lutte pas contre le mensonge, en emprisonnant les menteurs, en propageant une vérité officielle : comment la démocratie lutte-t-elle contre le mensonge et pourquoi est-elle la seule manière de lutter ? Alexandre Koyré dans ses Réflexions sur le mensonge, au coeur de la Seconde Guerre mondiale, nous l’expliquait : la démocratie ne peut pas faire comme la tyrannie, imposer une vérité officielle, elle doit laisser l’accès libre à tous les discours, y compris celui de la vérité (…)

La chronique est à écouter dans son intégralité en cliquant sur le haut de la page. Histoire, économie, sciences, philosophie, histoire de l’art… Écoutez et abonnez-vous à la collection de podcasts « Le Pourquoi du comment » ; les meilleurs experts répondent à toutes les questions que vous n’osez poser.

Réflexions sur le mensonge (nouvelle édition) Broché – 31 mars 2016

de Alexandre Koyré (Auteur)

Exilé à New York pendant la Seconde Guerre mondiale, Alexandre­ Koyré a publié en 1943 ces réflexions sur la place du mensonge dans les sociétés totalitaires. Le fonctionnement de ces régimes d’un type nouveau repose d’après lui sur la transformation de la vérité. Le jugement moral porté sur le mensonge dans la vie quotidienne, ou sur les plans religieux et philosophique, se trouve remis en cause en période de guerre. Le mensonge devient une arme nécessaire pour vaincre l’ennemi, voire une obligation. Or, c’est bien un climat de guerre que les régimes totalitaires instaurent constamment. Ces régimes fonctionnent comme des sociétés secrètes, pour la survie desquelles le mensonge est indispensable. À la seule différence qu’ils le pratiquent « en plein jour », en plantant une barrière entre la classe gouvernante et la « masse » qu’ils entendent diriger et asservir.

Qui est Alexandre KOYRE ?

Historien de la pensée philosophique et de la pensée scientifique, Alexandre Koyré a été le fondateur, avec Hélène Metzger, Gaston Bachelard et Georges Canguilhem, de l’histoire philosophique des sciences.

Il naît le 28 août 1892 en Russie, à Taganrog. Inquiété pour propagande antitsariste, il s’exile d’abord en Allemagne, où il suit l’enseignement du philosophe Edmund Husserl et du mathématicien David Hilbert à Göttingen jusqu’en 1911, puis en France, où il suit les cours de l’historien des religions François Picavet à l’École pratique des hautes études (E.P.H.E.) et du philosophe Henri Bergson au Collège de France. Directeur d’études à l’E.P.H.E. (cinquième section des sciences religieuses et sixième section des sciences économiques et sociales), il devient, à partir de 1955, membre de l’Institute for Advanced Study de Princeton, après avoir défendu l’action de la France libre pendant la Seconde Guerre mondiale, à l’École libre des hautes études qu’il a fondée à New York.

L’unité de la pensée

Dans les années 1920, Alexandre Koyré étudie la mystique spéculative comme itinéraire intellectuel vers Dieu, conçu comme fusion avec un Absolu transcendant dans la mystique allemande ou comme adoration de l’Infini immanent dans la mystique française. Puis, à partir des années 1930, il poursuit l’étude de la pensée scientifique à l’âge classique (XVIe-XVIIe siècles). S’il s’était d’abord attaché à montrer comment la pensée scientifique posait des problèmes métaphysiques, notamment l’astronomie copernicienne à la mystique de Jakob Boehme, il s’est ensuite employé à identifier les intuitions métaphysiques qui sont au cœur des grandes théories scientifiques et les structurent. La conviction profonde de Koyré est qu’il existe une unité de la pensée qui transcende sa division en disciplines autonomes et qu’il appartient à l’historien de rétablir. L’unité de la pensée qu’il a entrepris de reconstituer est celle du platonisme qu’il étudia dans ses variantes successives en philosophie et en physique du XIe siècle au début du XIXe siècle, soit de saint Anselme à Hegel. C’est dans ce cadre, dominé, pense-t-il, par l’opposition du platonisme (l’imposition de formes mathématiques à la réalité empirique) et de l’aristotélisme (l’observation logique des faits empiriques), que s’inscrit la révolution scientifique des XVIe-XVIIe siècles.

Pour Koyré, l’émergence de la physique classique fut une révolution au sens littéral du terme puisqu’elle a substitué une science platonicienne à la science aristotélicienne qui l’avait supplantée. Il l’a définie par deux traits caractéristiques. D’une part, elle a détruit le cosmos géocentrique grec et anthropocentrique médiéval, conçu comme un tout fini et ordonné de valeurs et d’êtres. D’autre part, elle a géométrisé l’espace, étendue désormais homogène et infinie d’un univers qui n’est plus unifié par son créateur mais par la seule identité de ses lois et de ses éléments ultimes.