Je suis allé voir le film de la journaliste essayiste Caroline Fourest et je fais partie de ceux qui l’ont aimé. Ce n’est pas un avis partagé par tous, il est loin d’être unanime, il faut l’accepter c’est la loi du genre. L’Obs, Marianne et quelques autres l’ont critiqué, quelques fois même sévèrement. En revanche Bernard-Henri Lévy, dans son bloc-notes du Point a aimé. C’est dire si ce premier long métrage de Caroline Fourest suscite des réactions controversées.
Ses détracteurs lui trouvent un côté un peu mièvre et dénoncent un drame englué dans la guimauve. Ils ajoutent une musique genre « soupe » et des clichés à répétition. Bref un pathos. Alors au risque de leur déplaire je répondrai qu’à l’heure de l’Anschluss ottoman et d’une reprise de la guerre de la part de l’armée du sultan turc dont la volonté est d’anéantir les Kurdes, j’ai pour ma part ressenti de l’émotion en voyant certaines scènes.
Comment être insensible au courage de ce bataillon de femmes Kurdes, genre brigade internationale du temps de la guerre d’Espagne, composée d’américaines, d’italiennes et de françaises ayant quitté leurs banlieues hexagonales. Comme en 1936 dans la péninsule Ibérique elles affrontent les nouveaux fascistes que sont les djihadistes de Daesh, cet « islamo-fascisme » comme on le dénomme désormais à juste titre.
J’ai apprécié cet esthétisme guerrier exprimé par une femme dont le regard est nécessairement différent de celui d’un réalisateur masculin. On y retrouve certes des séquences mille fois revues, c’est la loi du genre, les snipers, les check point, les colonnes de réfugiés, les combats violents dans des villes fantômes où chaque maison est piégée, les corps-à-corps sans pitié qui démontrent que des combattantes bien entraînées peuvent être aussi redoutables que des hommes, le scintillement des canons de kalachnikovs dans le soleil couchant et le sang qui ruisselle des corps mutilés.
Et puis il y a ces petites informations d’apparence anodines, distillées ici et là au cours des 152 minutes que dure la projection, comme cette crainte pour un djihadiste d’être tué par une femme, convaincu que le paradis, et ses 72 vierges, promis lui serait alors interdit. Quand l’incrédulité confine à l’imbécilité.
Evidemment ces femmes sont belles comme des amazones, braves et prêtes à se sacrifier au point de toujours garder une dernière cartouche dans leur chargeur pour ne pas tomber vivantes aux mains de l’ennemi. Il y a aussi ces scènes terribles de femmes yézidis capturées puis emmenées en otages, violées et réduites en esclavage par les b arbares de Daesh. Il y a aussi ces lionceaux du califat, ces enfants kidnappés lors de raids dans des villages et transformés en bombe humaine, la taille ceinte d’une ceinture d’explosifs. C’est parfois insoutenable, souvent tendre et parfois même on se détend en voyant un surprenant combat dans le désert de pick-up, une scène digne d’un western hollywoodien et qui aurait plu à John Wayne.
Mais le grand mérite de ce film c’est de rappeler à nos consciences occidentales qu’à quelques heures de Paris des femmes, aux côtés des hommes, se sont battues à Kobané, à Raqqa, à Kirkourk pour s’opposer à la sauvagerie, défendre la liberté et protéger l’Europe, donc la France, de nouveaux actes terroristes. Beaucoup de ces femmes exemplaires sont mortes pour leur patrie, leur foi, leurs idées sans doute mais aussi pour assurer la protection d’un monde libre et civilisé qui a souvent abandonné ses propres valeurs. On ne leur en sera jamais assez reconnaissant.
Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono