A l’heure de la sortie du confinement, j’ai envie de dire « mort aux cons ! »*

Avec la pandémie, le monde actuel change et on nous assure que demain ne sera plus comme avant. Qu’en sera-t-il ? mystère ! En attendant ce futur incertain la France à plongé avec délices dans le passé, un passé pourtant parfois nauséabond, je veux parler de celui au temps de l’occupation du pays par les allemands, et de la collaboration autour du régime de Vichy.

La première analogie que j’y vois est cette appétence de nos compatriotes pour la délation. Il paraît que le nombre de dénonciations reçues dans les commissariats et brigades de gendarmerie a connu en un mois une hausse exponentielle ! Pour les motifs les plus divers, « mon voisin ne respecte pas le confinement », « ils voyagent à plusieurs dans la même voiture », « il continue de cracher sur le trottoir » etc. et demain ce sera « untel ne porte pas son masque », « j’ai appris qu’il était allé voir sa maîtresse à 120 kms d’ici », etc.  Ainsi, comme toujours en pareille période où tous les égoïsmes remontent à la surface, parfois même des égouts, il y a ces « bons français » d’un patriotisme nauséeux dont le plaisir est de cafter, de rapporter, de balancer. La seule différence avec 1940 c’est qu’il n’y a pas eu de dénonciation pour « cocufiage » pour la seule raison que les amants et les maîtresses étaient confinés. Question sexe il y en a pour qui le confinement aura été synonyme de disette. Rassurons-les, ils connaîtront bientôt des jours meilleurs.

En quatre-vingt ans (1940 – 2020) les choses ont heureusement bien changé concernant l’approvisionnement alimentaire du pays car sinon, n’en doutez pas, le marché noir refleurirait de plus belle. Ah la bouffe ! Que deviendrions-nous sans elle. Vous avez vu comme moi comment à la veille du confinement ils se sont précipités pour remplir leur coffre de voiture par peur de manquer. Des kilos de sucres par ci, quand ce n’était pas des quintaux, de farine, de riz… et bien sûr sans se préoccuper si en vidant ainsi les rayons ils en laissaient un peu pour « leurs chers voisins ». Certains en auraient presque racheté un deuxième frigo et un troisième congélo.  » Tout pour ma gueule et tant pis pour leurs gueules  ! » tel était le slogan à la mode fin mars. Certains magasins ont été pris à l’abordage avec plus d’efficacité qu’un escadron du GIGN … on s’écrasait les pieds dans les allées, on se hurlait dessus, quand on ne s’étripait pas purement et simplement, « chérie, dans la mêlée j’ai pu sauver deux boites de sardines et une boîte de thon ! » « tu es mon héros ! » On aurait pu croire à un vol de criquet s’abatant sur un champ de blé. L’homme, ces jours-là a retrouvé toute son animalité.

Des commerçants ont reconnu que dans les derniers jours précédant le confinement il n’était pas rare de voir des clients dépenser 500, 1000 euros, 1300 euros, voire davantage, les caissières voyaient l’équivalent de leur paie passer sous leurs yeux dans un seul caddy !! Ah, très cher clients ! Ils avaient tout simplement oublié que depuis la 2ème guerre mondiale l’approvisionnement alimentaire à changé dans le pays et que les risques de pénurie n’existent que lorsque qu’ils se précipitent de façon boulimique pour dévaliser les rayons des supermarchés. La preuve, après leur razzia certains produits de première nécessité manquaient pour des nécessiteux.  Les seuls produits pour lesquels ils n’ont pas fait de réserves c’est l’essence et le gas-oil, vu qu’on était sommé de rester chez soi.  Pas de bol leurs prix n’ont jamais été aussi bas !

Le seul endroit où les mêmes n’étaient pas pressés d’aller est les  » Urgences », et là si bousculade il y avait elle était involontaire elle tenait à l’affluence des malades qui pour certains allaient se retrouver en réanimation, voire intubés pour de longs jours. Comme j’aurais aimé voir ceux qui ne respectaient pas le confinement condamnés à un travail d’intérêt dans ces services ou des hommes et des femmes en blanc se battaient jour et nuit pour maintenir en vie leurs patients. Ils auraient peut-être alors pris conscience de leur inconscience.

Je n’étais pas né en 1940 alors j’ignore quel était à cette époque le nombre de femmes et d’enfants battus. Mais je suis convaincu que sur ce point on a fait mieux en ce printemps 2020. Pire plutôt !  Avec une augmentation en ville comme dans les campagnes du nombre des plaintes de plus de 30, 35 %. Là, c’est la bestialité qui avait pris le dessus chez certains individus.

La grande différence avec 1940 tient aussi à l’existence des réseaux sociaux (fesses de bouc, twitter, instagrammes, etc…) Et là en l’espace d’un mois ce n’est pas des grammes de conneries qui se sont déversées mais des kilos, que dis-je des quintaux, que dis-je des tonnes ! Un véritable torrent de boue, des tombereaux d’insultes, d’injures, de dénigrement à tout propos : pénurie de masques, de tests, médicaments miracles du docteur Raoult, etc.  On savait qu’en chaque français sommeille un sélectionneur d’équipe de France (de foot, de basket, de tennis, de natation, de ski, de volley, etc.) un homme politique en puissance, et voici qu’on découvrait des français épidémiologistes, virologues, bactériologues, bref des BAC – 3 qui soudainement, comme par magie, étaient devenus des BAC + 15 ! Qu’est-ce qu’on a pu découvrir grâce à eux …. sur la connerie humaine, (cela nous changeait de « La condition humaine » de Malraux, hélas en moins bien). J’en ai beaucoup plus appris grâce à eux qu’avec  » Covid-19 pour les nuls ».

Toujours par rapport à 1940, encore une analogie, dans quelques jours la France va à nouveau avoir non pas « sa » mais « ses » lignes de démarcation. Après les Ausweiss pour faire son jogging, acheter quotidiennement sa baguette chez le boulanger du coin, ou rendre visite à sa belle-mère, il va falloir désormais vérifier si nous sommes en zone verte, en zone orange ou en zone rouge. Prière de réviser son code de la route car c’est bien au vert qu’on passe et au rouge que l’on stoppe. Ce qui me rassure c’est que les pouvoirs publics ont limité les déplacements après le 10 mai à 100 kms, cela évitera aux parisiens de repartir, comme ils l’ont déjà fait une première fois, quitte à emmener le virus dans leurs bagages, à Honfleur, Arcachon ou Palavas-les-Flots. Oh, il y aura bien sûr des petits malins qui franchiront les frontières en douce, c’est congénital ou génétique.

Voilà chers lecteurs, la chronique, ou plutôt le résumé d’une tranche de vie française au cours du mois d’avril. J’ai oublié quelque chose ? Ah oui ! Et comment ! j’ai oublié de parler de ces multiples actes courageux, de générosité,   de nos soignants, pompiers, policiers et gendarmes, postiers, caissiers et caissières, éboueurs, etc. tous ces héros du quotidien envers qui notre reconnaissance est éternelle et qu’il faudra demain savoir récompenser à hauteur de leurs mérites. Espérons toutefois que, comme cela s’est déjà produit par le passé, on ne caillassera pas à nouveau les policiers et pompiers, engueulera pas les personnels des hôpitaux, après les avoir applaudis chaque soir à 20 Heures. Car le français est ainsi fait qu’il adore bruler le lendemain ce qu’il a adoré la veille.

Alors promis, juré, ma prochaine chronique sera consacrée à ces autres « français », attachés à certaines valeurs et vertus citoyennes, civiques, car comme en 1940 il y avait les collabos et les résistants, en 2020 il y a les abrutis qui ont violé allègrement le confinement au mépris de la santé des autres et les obscurs, les sans-grades qui étaient en première ligne dans cette guerre sanitaire. Merci à eux d’avoir relevé le drapeau au sol !

  • Un des plus célèbres slogans de Mai 68

Jean-Yves Duval, directeur d’Ichrono

 

P.S : Il y a des jours où en voyant, comme vous, les incivilités, les pieds-de-nez aux règles élémentaires de respect mutuel, en entendant les stupidités monstrueuses à la télé, en lisant les insanités sur les réseaux sociaux, j’ai eu envie de m’exiler sur une île lointaine, tiens en Ecosse par exemple. Il existe là-bas un ilot qui s’appelle « Jura » où on distille un formidable whisky tourbé et où séjourna trois ans avant sa mort G. Orwell, dans un petit cottage perdu au milieu de la lande. Il venait de terminer « La ferme des animaux » et il y a écrit  » 1984″. Nous étions alors en 1948 et il est mort un an plus tard à Londres pour cause de tuberculose. Si je vous parle de lui, c’est parce qu’au delà du génial écrivain il a été un visionnaire qui aurait pu décrire l’état de délabrement moral qui menaçait nos sociétés, après avoir formidablement imaginé, et avec quelle justesse, les transformations technologiques qui surviendraient dans le monde. Je sais, beaucoup d’entre vous on souhaité lire ou relire « La Peste » de Camus, c’était d’actualité, mais un conseil lisez ou relisez 1984. Pour ma part, c’est dit, si un nouveau confinement doit survenir, je le passerai là-bas. Mathématiquement les cons y sont moins nombreux que les moutons. Si non, j’irai sur l’îlot du Grand Bé, à Saint-Malo, là où est enterré, face à l’océan, Chateaubriand. Lui aussi préférait entendre le vent et la tempête que les sornettes d’une société en décomposition.