Parquet financier : Mamadou Racine Sy débourse 797 millions de francs CFA pour éviter la détention

Dans le dossier tentaculaire des 125 milliards FCFA pistés par le Parquet financier, Mamadou Racine Sy a déboursé 797 millions de francs CFA pour éviter la détention. Une décision du Collège des juges qui fait grincer des dents chez les avocats de Farba Ngom et de ses frères. L’Observateur fait le point sur cette affaire à rebondissements.

La décision du Collège des juges d’instruction du Pool judiciaire financier, ce mardi 13 mai, risque d’exacerber encore davantage la tension du côté des avocats de Farba Ngom et de ses proches. Déjà vent debout contre la procédure, les conseils du député-maire des Agnam — poursuivi pour escroquerie sur les deniers publics à hauteur de 35 milliards de francs CFA, et pour complicité d’escroquerie portant sur 91 milliards FCFA — n’ont cessé de dénoncer un « acharnement ciblé » contre leur client. Dans ce dossier, l’homme d’affaires Seydou Sarr, plus connu sous le nom de Tahirou Sarr, est présenté comme l’auteur principal des faits.

À plusieurs reprises, Farba Ngom s’est vu refuser ses requêtes aux fins de cautionnement. Et voilà que tombe la nouvelle : Racine Sy, poursuivi dans la même affaire, a cautionné à hauteur de 797 millions FCFA pour échapper au mandat de dépôt. Une décision qui, dans l’entourage du maire des Agnam, suscite déjà sourcils levés, murmures agacés, et questions pressantes. Qu’en sera-t-il pour Birane et Ismaïla Ngom, convoqués ce lundi 19 mai et contre qui le Procureur financier a sollicité le mandat de dépôt dans son réquisitoire visant une dizaine de personnes, ainsi que X ?

Selon L’Observateur, Abdou Karim Mbacké a également été placé sous mandat de dépôt. Toujours dans ses investigations, le Parquet financier a entendu et inculpé Bocar Mamadou Daff, ancien directeur général de la Couverture Maladie Universelle (CMU), pour complicité d’association de malfaiteurs en bande organisée, escroquerie sur des deniers publics et blanchiment de capitaux, avant de le placer sous contrôle judiciaire. D’après les informations de L’Observateur, son implication serait liée à une transaction autour d’un terrain vendu par Farba Ngom pour 35 millions FCFA.

Demba Ngom, frère de Farba Ngom, et Abdoul Aziz Kane ont aussi été placés sous mandat de dépôt pour association de malfaiteurs, blanchiment de capitaux et escroquerie portant sur des deniers publics. Mamadou Racine Sy, président du conseil d’administration de l’IPRES et directeur de l’hôtel King Fahd Palace, l’a quant à lui échappé belle.

Mardi 13 mai, le juge d’instruction financier Idrissa Diarra, président du Collège des juges du Pool judiciaire financier, a autorisé Mamadou Racine Sy à verser une caution de 797 millions FCFA. Il est poursuivi pour association de malfaiteurs en bande organisée, escroquerie sur des deniers publics portant sur la même somme, blanchiment de capitaux et abus de biens sociaux, conformément au réquisitoire du procureur de la République en date du 4 février dernier. Et sur la base des articles 133 et 140 du Code de procédure pénale, le juge a ordonné que la somme soit déposée par son avocat à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), au profit de l’État du Sénégal. Le directeur général de la CDC a d’ailleurs été requis pour exécuter cette ordonnance.

Selon les révélations de L’Observateur, l’enquête ouverte suite à un rapport explosif de la CENTIF est à l’origine de cette procédure. Dans cette affaire dite des 125 milliards FCFA, les magistrats du Pool judiciaire financier ne ménagent aucun effort. Chaque jour, ils traquent le moindre détail dans ce dossier tentaculaire, nourri par plusieurs rapports de la Cellule nationale de traitement des informations financières. Les investigations ont mis au jour des mécanismes complexes de blanchiment de capitaux par l’entremise de sociétés-écrans, pour un montant estimé à plus de 125 milliards FCFA. L’Observateur rappelle que cette traque a démarré le 17 septembre 2024, quatre mois après l’installation du nouveau Collège des juges.

Dans son réquisitoire introductif, le Parquet judiciaire financier a visé neuf personnes et X, en application de l’article 66 de la loi n°2024-08 sur le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive. L’Observateur rapporte que six personnes ont d’ores et déjà été placées sous mandat de dépôt, dont Seydou Sarr dit Tahirou et Mouhamadou Ngom alias Farba, considérés comme les pivots de ce scandale financier.

Concernant Amadou Sall, fils de l’ancien Président Macky Sall, L’Observateur note qu’il n’a toujours pas été entendu, faute d’avoir répondu à sa convocation. Actuellement hors du territoire national, seuls un mandat d’arrêt international ou une coopération judiciaire pourraient permettre son retour devant les juridictions sénégalaises. En parallèle, Birane et Ismaïla Ngom, frères de Farba Ngom, sont aussi dans le viseur du Parquet. Leur audition, initialement prévue le 6 mai, a été reportée au 19 mai. Deux options s’offrent désormais à eux : suivre la voie du cautionnement, comme Racine Sy, ou voir leur liberté restreinte par un mandat de dépôt.

Pourquoi la caution de Racine Sy a été acceptée, et pas celle des autres ?

Juridiquement, la décision d’accepter une caution, au détriment d’un mandat de dépôt, repose sur plusieurs considérations objectives et discrétionnaires, encadrées par le Code de procédure pénale sénégalais, notamment ses articles 133, 134 et 140. Dans le cas de Mamadou Racine Sy, le juge s’est appuyé principalement sur la nature des faits qui lui sont reprochés, son profil personnel, ainsi que sur la solidité de ses garanties de représentation.

En effet, Racine Sy, contrairement à Farba Ngom et Tahirou Sarr, a été poursuivi exclusivement pour un montant équivalent à celui cautionné (797 millions FCFA), et a présenté une garantie immédiate et suffisante, déposée à la CDC en faveur de l’État. Par ailleurs, sa situation professionnelle stable, son absence de risque de fuite avéré, ainsi que la non-récurrence de faits similaires dans son parcours judiciaire, ont pesé en sa faveur.

À l’inverse, les juges ont sans doute estimé que les cautions proposées par Farba Ngom et Tahirou Sarr ne couvraient ni l’ampleur des préjudices présumés ni ne présentaient des garanties suffisantes d’exécution. De plus, les risques d’entrave à l’enquête ou de concertation frauduleuse entre les co-accusés justifiaient, selon le Collège, la détention préventive. Ce pouvoir d’appréciation, bien que encadré, reste à la discrétion du juge, selon les éléments concrets du dossier de chaque accusé.

Senenews