On peut ne pas aimer Marine Le Pen ou le « Rassemblement national », comme on peut détester, ou pas, « La France Insoumise », on peut volontiers admettre que le détournement de fonds publics, européen ou français, soit sévèrement sanctionné par la justice, mais en aucun cas, en démocratie, les magistrats doivent pouvoir décider de l’avenir du peuple français.
Le suffrage universel, de chaque type d’élection, à fortiori la présidentielle, a été institué par la Veme République pour accorder au peuple le droit de faire ce choix librement, ce que l’Ancien régime traduisait par ces mots : « Vox populi, Vox Dei », voix du peuple, voix de Dieu.
Cette loi Sapin 2 est une aberration législative, dont les résultats affectent autant le RN que LFI et le MoDem, et les juges ne font qu’appliquer les textes votés par les législateurs, comme ils l’ont fait également avec N. Sarkozy, et avant lui F. Fillon. Inutile donc de les diaboliser !
En revanche ce que les députés et les sénateurs ont fait hier, ils peuvent le corriger demain à la lecture des conséquences désastreuses de l’application de leur loi. Revoir leur copie paraît indispensable.
Selon un dernier sondage IFOP du JDD, près de 40% des français se disent prêts à voter en 2026, dès le premier tour, pour Marine Le Pen, comment pourrait-on nier cette volonté populaire ? Et surtout l’empêcher de s’exprimer ?
Notre démocratie, déjà fragile, n’y résisterait pas ! Veut-on un boycott des urnes ? Un enracinement du populisme dans le pays ? Un absentéisme électoral de masse ? Un mouvement protestataire, y compris violent, dans la rue, qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Le risque est grand que ce jugement n’entraîne dans les mois qui viennent de graves troubles à l’ordre public, ce qui va à l’encontre de toute bonne décision de justice. Il y a donc urgence à rétablir une situation dans un État de droit, dans le respect de la séparation des pouvoirs, en remettant l’église au centre du village. Et pour cela il faut lever le soupçon, qui peut être un vrai poison, d’une justice « politique », parce que des parlementaires ont voté un mauvais texte, que certains juges, peut-être « militants » s’empresseraient d’appliquer à l’égard de ceux qui ne partageraient pas leurs convictions. La Rochefoucauld parlait déjà en son temps de « deux mille ans d’erreurs judiciaires ».
Nous bénéficions en France d’un principe fondamental, celui de la double juridiction en matière de jugement, où, au-delà de la première instance tout justiciable à la possibilité de se pourvoir en appel, voire en cassation et être présumé innocent jusqu’à épuisement des voies de recours.
Même un assassin, un violeur, un terroriste, un pyromane, bénéficie de ce droit inaliénable, au nom de quoi un élu ferait-il exception ? Que n’applique-t-on ce principe « d’exécution immédiates » à tous ces criminels !
Cette exécution « provisoire et immédiate », en bafouant les droits élémentaires de La Défense, est très dangereuse dans un système démocratique digne de ce nom. On sait, depuis Louis XIV, que le juge d’instruction est l’homme le plus puissant de France, il faut désormais y ajouter les magistrats du siège, avec cette précision, qu’aucun d’eux, contrairement aux Etats-Unis, n’est élu mais nommé sur proposition du conseil supérieur de la magistrature.
Fort de cette onction, ils peuvent rendre librement leur jugement « au nom du peuple français », ce qui fait dire à un ancien magistrat, Georges Fenech, qu’ils sont les seuls dans ce pays à ne rendre des comptes à personne.
Pas sûr que Montesquieu dans « l’Esprit des lois » avait imaginé un tel scénario !
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain