12 novembre 2025 – On vient d’apprendre la libération de Boualem Sansal, l’écrivain franco-algérien, gracié « pour raison humanitaire » par le régime d’Alger, après près d’un an de détention. Rappelons que celui-ci avait été condamné à cinq ans de prison le 1er juillet dernier pour « atteinte à l’unité nationale ».
J’ignorais que les dirigeants algériens étaient capables d’humanité, en réalité le vrai motif est qu’ils ont cédé à la forte pression exercée par l’Allemagne, ulcérée par l’impuissance de la France et de son président pour faire sortir de prison un octogénaire atteint d’un cancer et risquant de mourir en détention. Ce que la diplomatie française, ministre des affaires étrangères en tête, a été incapable de faire, nos voisins d’outre-Rhin l’ont fait, ce qui constitue une humiliation cuisante pour Emmanuel Macron. Et si l’Allemagne a obtenu ce résultat c’est qu’elle s’est montrée menaçante à l’égard d’Alger, (en jeu ses relations commerciales avec l’Algérie, et les soins apportés au président Abdelmadjid Tebboune) là où la France ne fait que des courbettes indignes d’une grande nation. Faudra-t-il aussi que Berlin intervienne en ce qui concerne le journaliste français également détenu en Algérie ? Et dire que notre président entend donner des leçons au monde entier, à menacer les russes et à braver Donald Trump, c’est d’un ridicule sans nom. Pour le reste, saluons comme il convient cet épilogue heureux de la libération de Boualem Sansal, en sachant cependant, comme le dit l’ancien prix Goncourt Kamel Daoud, que c’est l’Algérie toute entière qu’il convient de libérer de l’emprise de ses maîtres actuels.
13 novembre 2025 – En quelques heures, 132 personnes ont trouvé la mort, et des centaines d’autres ont été blessées, aux abords du Stade de France, au Bataclan et devant les terrasses de plusieurs cafés. Les barbares islamistes ont tué ce jour-là, de façon cruelle et aveugle des innocents. Ils ont endeuillé, martyrisé de nombreuses familles qui n’oublieront jamais ce cauchemar. Beaucoup de français, femmes et hommes, enfants, jeunes et adultes souffrent aujourd’hui encore dans leur chair des suites de cet attentat monstrueux. D’autres resteront à jamais marqués psychologiquement, psychiquement et dans leur tête résonnent encore les tirs de kalachnikovs des meurtriers. Les traumatismes sont là, multiples et bien réels. Dix ans après, les français n’ont rien oublié, et c’est pour honorer la mémoire des victimes que des cérémonies du souvenir étaient organisées toute la journée.
Si on devait retenir une expression face à cette tuerie de masse ce serait celle du docteur Denis Safran, médecin-chef de la BRI qui a évoqué un spectacle d’apocalypse à l’intérieur de la salle de concert du Bataclan, des centaines de gens entassés les uns sur les autres, des corps inanimés, des morts, des blessés graves perdant leur sang, des images terrifiantes, inoubliables, et toujours présentes dix ans plus tard. En choisissant le terme d’apocalypse Denis Safran ne méconnaissait pas le sens de ce mot, qui renvoie aujourd’hui à l’apocalypse nucléaire, à une idée de fin de monde, alors que dans la tradition judéo-chrétienne il renvoie plutôt à une « révélation » sur la venue prochaine du Royaume de Dieu. En réalité, en fait de Dieu, les spectateurs du Bataclan ont eu rendez-vous ce soir-là avec l’enfer. En s’en prenant à ces lieux festifs de l’Occident, salle de concert et cafés, ces fous de Dieu se sont aussi attaqués à des symboles de la démocratie, une démocratie qu’ils exècrent.
Aujourd’hui il ne reste qu’un survivant parmi les tueurs : Salah Abdeslam condamné à la prison à perpétuité incompressible. Ce terroriste jihadiste, d’origine marocaine, âgé de 27 ans, vivait, rappelons-le, avant la tragédie de Paris en Belgique à Molembeek, un sanctuaire d’islamistes radicaux, et son ex-compagne est aujourd’hui accusée d’avoir voulu fomenter un projet d’attentat, après lui avoir remis une clé USB avec des contenus jihadistes dans sa cellule du pénitencier de Vemdin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, où il est incarcéré. Ces derniers évènements démontrent que, dix ans après, Salem Abdeslam n’a en rien renoncé à sa soumission à l’idéologie mortifère islamiste. Des années de prison n’y ont rien fait et les prochaines ne le changeront pas davantage. Il est définitivement irrécupérable, toujours aussi dangereux et il faut souhaiter qu’il ne recouvre jamais la liberté, faute de quoi l’existence de français serait à nouveau en danger et des vies innocentes compromises.
Dix ans après le Bataclan, alors que des personnes sont gravement handicapées et se déplacent en fauteuil roulant, que des vies ont été brisées et des familles endeuillées, le risque terroriste islamiste est toujours présent, même s’il a changé de visage. Le danger n’est plus tant aujourd’hui avec des jihadistes de Daesh ou d’Al-Qaïda, depuis leurs bases syriennes ou irakiennes, mais il est endogène. La véritable menace vient de ces jeunes français d’origine, ou issus de l’immigration, endoctrinés et radicalisés dans des mosquées salafistes implantées dans l’Hexagone, ou sur les réseaux sociaux, qui se transforment en assassins du jour au lendemain, avec pour seule arme un couteau ou une voiture bélier. Ces jeunes sont animés par une haine indicible de la société française dont ils s’estiment rejetés, exclus et commettre des attentats est pour eux un moyen d’exister, d’être reconnus, d’assouvir un désir de revanche. Dans ces conditions, tous les efforts de nos services de renseignements et de police, aussi efficaces soient-ils, seront vains si la République ne parvient pas à offrir une véritable alternative à cette jeunesse désœuvrée et révoltée. Nous payons là, le prix d’une éducation familiale qui a manqué à tous ses devoirs, avec des parents qui ont abdiqué, et d’un système éducatif défaillant qui n’a pas su transmettre à ces adolescents les valeurs et les principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité.
Si la tragédie du Bataclan pouvait éveiller les consciences et conduire à une réaction salutaire des pouvoirs publics, des familles et de l’école, alors les 132 personnes décédées au cours d’une soirée ordinaire de novembre 2015 ne seraient pas mortes en vain.
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain

