En moins de douze heures, des incidents inédits se sont déroulés, successivement à la 7Tv, où la gendarmerie est venue interrompre une émission avant d’embarquer la directrice Maïmouna Ndour Faye, et à la Rfm, où le journaliste Babacar Falla a aussi été arrêté. De quoi expliquer une levée de boucliers des associations de presse. Toutes demandent la fin de ces abus. 

Des gendarmes qui font irruption à la 7Tv pour arrêter une émission et arrêter la directrice. Des Forces de l’ordre qui envahissent la Radio Futurs Médias (Rfm) pour menotter Babacar Fall, le directeur de Rédaction. La situation est assez préoccupante, d’où la levée de boucliers des organisations professionnelles de la presse. «Le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics) exprime sa vive préoccupation à la suite de deux interventions survenues dans des rédactions sénégalaises, dans des circonstances qui interpellent la conscience démocratique et appellent à une clarification rigoureuse. La première est intervenue dans la soirée du 28 octobre 2025, dans les locaux de 7Tv, où Mme Maïmouna Ndour Faye a été interpellée alors qu’elle exerçait ses fonctions de journaliste.

La seconde, survenue ce mercredi matin à la Rfm, a eu lieu alors que le journaliste Babacar Fall venait de conclure un entretien par Whatsapp avec M. Madiambal Diagne. Ces événements, survenus dans le cadre strict de l’exercice professionnel, soulèvent des interrogations légitimes quant au respect des principes fondamentaux qui encadrent la liberté de la presse dans notre pays», rappelle d’emblée le Synpics, dans un communiqué de presse publié en cours de journée hier.

La Coordination des acteurs de la presse (Cap) va dans le même sens en dénonçant, «avec la plus grande véhémence», ces événements. Et selon le Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse (Cdeps), il s’agit là d’une «atteinte grave et inacceptable» à la liberté de presse. Dans un pays où la presse est soumise depuis quelques mois à la «multiplication des agressions et des tentatives de musellement du secteur des médias privés», selon le Cdeps, ces incidents interpellent. Et pour le Synpics, il faut que les circonstances de ces interventions soient établies avec transparence, dans le respect des droits de chacun et des obligations de l’Etat. Le syndicat invite également les autorités compétentes «à garantir un environnement propice à l’exercice libre, responsable et sécurisé du métier, à l’abri de toute pression ou confusion».
«Ces interpellations et ces coupures de signal surviennent dans un contexte particulièrement alarmant et paradoxal.

Alors que Dakar accueille le Salon international des médias d’Afrique (Sima), réunissant des journalistes et acteurs des médias de plus de 23 nationalités, ainsi qu’une forte délégation de Reporters sans frontières (Rsf) conduite par son Secrétaire général, M. Thibaut Bruttin, le pouvoir sénégalais envoie un signal désastreux à la Communauté internationale», constate la Cap. L’organisation attire l’attention de l’opinion sur ce qu’elle qualifie d’«atteintes inqualifiables à la liberté de la presse». Le Cdeps souligne que «cette opération, menée sans motif légal apparent, contrevient aux principes sacro-saints garantis par la Constitution sénégalaise, notamment les articles 8 et 10 qui protègent la liberté d’opinion, d’expression et la liberté de la presse».

«Un acte grave»

Il faut dire que l’irruption des Forces de l’ordre dans des rédactions et la coupure de leur signal sur la Tnt sont un précédent dangereux. Evoquant la situation sur les réseaux sociaux, l’ancien journaliste de la Rts, Martin Faye, retient que «l’irruption des Forces de l’ordre est un acte grave». «Une intervention policière ou militaire dans un studio de télévision, pour interrompre une émission ou couper le signal, constitue une atteinte directe à la liberté de la presse et au droit du public à l’information, sauf dans des cas extrêmement limités (urgence nationale clairement justifiée et légale)», constate-t-il. La Cap, elle, interpelle directement le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra), organe habilité à suspendre le signal d’une télévision ou d’une radio. «Toute suspension doit se faire dans le strict respect des droits de la défense, des procédures légales établies et des cahiers des charges. Le silence du Cnra face à ces violations est assourdissant et interroge sur son indépendance réelle.»