Robert Mugabé, du libérateur au despote une vie contrastée

Etrange destin que celui de Robert Mugabé célébré voici quarante ans comme un libérateur par son pays le Zimbabwe il est finalement mort à l’âge de 95 ans dans le costume d’un despote. Lui qui avait promis de fêter ses 100 ans au pouvoir sera finalement décédé cinq ans plus tôt après avoir dû renoncer à sa présidence – novembre 2017 – au terme de trente-sept années d’un pouvoir autoritaire et absolu.

Sa vision d’un pouvoir personnel et son culte de la personnalité étaient tels qu’il portait des costumes à sa propre éfigie, il faut oser. Il faut remonter aux années 1980 pour voir Mugabe faire son apparition sur la scène africaine et internationale en prenant les rênes de l’ex-Rhodésie, un pays peuplé à 95% de noirs et quelques milliers de fermiers blancs. Il sera pendant longtemps le chouchou de l’occident avant que celui-ci ne détourne les yeux du « camarade Bob » tellement il était devenu infréquentable.

Répressions sanglante, opposition bâillonnée

Les caciques du régime eux-mêmes l’ont progressivement lâché, en particulier les dirigeants de son parti, le Zanu-PF. Son règne sans partage, ses dérives autoritaires, ses répressions sanglantes ont finalement eu raison de lui et de son épouse, la très dispendieuse et ambitieuse Grace Mugabe, sorte d’Imelda Marcos africaine totalement folle dingue de chaussures. Marxiste, luttant contre le pouvoir rhodésien, blanc et ségrégationniste, engagé dans la lute armée au Mozambique avec Joshua Nkomo, il était revenu en Rhodésie rebaptisée Zimbabwe en 1980 pour y occuper le poste de Premier ministre.

La Rhodésie, grenier à grains de l’Afrique australe

Au début, sa politique de réconciliation, au nom de l’unité du pays, à séduit autant à l’intérieur qu’à l’étranger. Il est alors présenté comme un dirigeant modèle bardé de diplômes et en dix ans le pays va progresser à pas de géant. Pourtant dès 1982 il organise contre ses opposants une répression sanglante qui fera vingt mille morts sans que le monde ne régaisse. C’est à peine s’il a levé un sourcil de désapprobation. En lâchant ses compatriotes contre les fermiers blancs qui détenaient la plus grande partie des terres des centaines de milliers de noirs sont devenus propriétaires au prix de grandes violences. Plus de 4 500 fermiers blancs ont du quitter, le pays suivant un mot d’ordre bien connu et déjà expérimenté ailleurs : « la valise ou le cercueil », après avoir fait de la Rhodésie le grenier à grains de l’Afrique australe.

90% de Zimbabwéens au chômage

Aujourd’hui après 37 ans d’un pouvoir sans partage 90 % des Zimbabwéens sont au chômage et l’économie est à la dérive ce qui explique que ses réélections de 1996, 2002, 2008 et 2013 ont été marquées pour Robert Mugabé par des fraudes et des magouilles électorales, seul moyen pour lui de rester à la tête du pays.

Le plus vieux tyran du monde

A part les nostalgiques de son régime et ses anciens compagnons de lutte ils seront peu nombreux au Zimbabwee à regretter ce petit homme à la moustache en brosse à dents, aux épaisses lunettes et aux costumes folkloriques, entretenant un ego surdimensionné. Un égo entretenu au Botox pour combler ses rides et se donner les illusions d’une jeunesse perdue.  Conduit à une humiliante démission en 2017 sous la pression de l’armée le vieux président est mort en solitaire, loin de son pays, à Singapour et il y a fort à parier que son enterrement ne donnera pas lieu comme pour la disparition de Nelson Mandela à une grande ferveur populaire et une émotion délirante. Ainsi disparaît celui qui fut un géant, idéaliste courageux et fossile de la décolonisation avant de devenir le plus vieux tyran du monde.

Le marigot vient de perdre l’un de ses plus vieux crocodiles et nul ne songerait à s’en plaindre.

Jean-Yves Duval, Directeur de Ichrono

ancien auditeur au Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques