En Afrique, comme en France les tabous ont la peau dure !

Toute société génère ses tabous quand elle ne les cultive pas et c’est souvent au détriment de son évolution. J’en veux pour preuve la réunion que vont tenir cette semaine dans le Sud de la France Emmanuel Macron et les différents chefs d’Etat de la zone Sahélienne. J’en veux également pour preuve le tabou de la natalité en Afrique. Deux tabous qui nous incitent à fermer les yeux sur des évidences et à ne pas voir la réalité en face. Par manque de courage, hypocrisie ou real politique. Ce sont ces tabous que je veux dénoncer ici.

En ce qui concerne la réunion prévue à Pau de quoi s’agit-il ? D’un simple constat, à savoir que l’opération Barkhane conduite par les militaires français au Sahel est de plus en plus confrontée sur place à une hostilité contre la France.  Il y a de quoi s’en émouvoir car n’oublions pas que depuis plusieurs années la France paie le prix du sang sa présence au Sahel. Alors, que les opinions publiques africaines manifestent un rejet grandissant à l’égard des forces français cela mérite de clarifier la situation et de lever les ambiguïtés.

Disons-le franchement, ces accusations de néo-colonialisme sont indécentes au lendemain de la mort de 13 nouveaux soldats français au Mali et irritent profondément la population française. A l’évidence l’opération Barkhane a pour objectif d’éradiquer la présence de bandes djihadistes au Sahel en même temps que de protéger la France, et l’Europe, d’une expansion du salafisme et des dangers terroristes et il y a fort à parier que si les troupes françaises quittent la région il y a de fortes chances que les pays de la zone tombent sous la coupe des islamistes radicaux. Rappelons que sans l’intervention de l’armée française au Mali voici quelques temps ce pays serait aujourd’hui un Califat islamiste. Est-ce ce que veulent les Mauritaniens, les Burkinabés et les Nigériens ? J’en doute fort. Pour autant la victoire ne sera pas seulement celle des armes, elle passe aussi nécessairement par la voie diplomatique et la reprise des négociations en particulier avec les Touaregs qui détiennent en partie la solution.

Alors oui nos partenaires du G5 Sahel doivent nous dire clairement ce qu’ils attendent de la France, une confirmation de son engagement militaire ou un désengagement de ses troupes. Si la réponse est clairement oui  l’ère des soupçons sera levée et il faudra d’ailleurs que d’autres troupes européennes se joignent dans les meilleurs délais aux militaires français qui ne peuvent plus être les seuls à supporter les combats dans une région grande comme l’Europe. Et ce en attendant que les forces locales, qui sont associées aux opérations et qui, elles aussi, paient un lourd tribut, soient en mesure d’assumer ce rôle. Entre amis on peut non seulement tout se dire mais on doit tout se dire.

La natalité en Afrique est également un tabou qui ne date pas d’aujourd’hui et pourtant selon un récent rapport rendu public de la Banque mondiale, seule la baisse de la natalité permettra de relancer l’économie et de réduire la misère sur le continent.  Alors bien sûr ce constat ne va pas plaire aux militants altermondialistes pas plus qu’à une certaine gauche française qui cependant en surfant sur l’action des gilets jaunes se montre aujourd’hui plus préoccupée par les inégalités en France qu’entre pays du Nord et pays du Sud. C’est ce qui s’appelle le temps des priorités.

Et pourtant la réalité est là. Aussi cruelle qu’elle paraisse. Alor qu’en 1980, 80% des habitants de la planète vivant avec moins de 1,90 dollar par jour étaient originaires d’Asie et 15 % d’Afrique  cette dernière en concentrait 57% en 2015 contre 35% à l’Asie. Certes la part de la population dans l’extrême pauvreté à baissé (41% en 2015 contre 54% en 1990) mais le nombre de pauvres lui, a fortement augmenté au cours de la même période passant de 218 à 413 millions et ce en raison de la forte poussée démographique : + 2,7% annuellement. Conclusion des experts de l’économie africaine, « La réduction de la fécondité doit être considérée comme une priorité absolue si l’on veut accélérer la croissance la croissance économique et réduire la pauvreté ». Voilà un discours qui ne va pas plaire à tout le monde et j’entends déjà  les belles âmes s’esclaffer, mais je pose la question : Souhaite-t-on que l’Afrique continue à détenir le monopole de la misère ? Je n’apprendrai rien à personne en disant à propos du PIB que plus on est nombreux à partager le gâteau de la croissance plus la part pour chacun est petite. C’est une évidence.

Eduquer les femmes, les incitater à ce qu’elles aient moins d’enfants en favorisant leur insertion sur le marché du travail, retarder l’âge du mariage, développer le planning familial sont autant de pistes à explorer. On sait qu’une année d’études secondaires supplémentaire pour les filles diminue de 6% la probabilité pour celles-ci d’avoir un enfant avant l’âge adulte. L’exemple de l’Ethiopie démontre qu’on peut corriger cette culture nataliste africaine

Et en écrivant cela qu’on ne me fasse pas un procès en « occidentalisation » de l’Afrique, une accusation  qu’on utilise aujourd’hui à toutes les sauces et qui ne vise qu’à diaboliser ceux avec lesquels on ne partage pas le même avis. Ou alors il faut se résoudre à voir croître et embellir les flux migratoires, les pauvres étant de plus en plus nombreux sur les routes de l’exode pour une question de survie. Et qui, ce jour-là, oserait  leur reprocher ?

Jean-Yves Duval, Directeur Ichrono, ancien auditeur au Centre d’études diplomatiques et stratégiques.