Il y a quelques jours à Saint-Raphaël, à la faveur du débarquement de Provence le 15 août, le président E. Macron a exalté le courage et le sacrifice de nombreux soldats africains venus combattre et parfois mourir sur le sol de France. Il est important en effet de leur rendre la juste place qui leur revient dans notre histoire. Toute leur place sans exception.
On ne peut en effet oublier certaines exactions commises au temps de la colonie. Et à ce titre une Bande dessinée, « Morts pour la France » publiée aux éditions des Arènes par Pat Perna et Nicolas Otero nous rappelle une séquence peu glorieuse de notre histoire. Séquence qui s’est déroulée voici soixante-dix ans au camp de Thiaroye au Sénégal. Ce jour là, le 1er décembre 1944, alors que la France vivait ses derniers mois de guerre, l’armée française a commis l’irréparable lorsque des militaires ont tiré sur leurs frères d’armes africains.
Pour une question de soldes
A l’origine de cette tragédie la réclamation par ceux-ci, souvent anciens prisonniers de guerre tout juste rapatriés, du paiement de leurs soldes. Cela nous apparaît aujourd’hui surréaliste et pourtant à ce moment-là le bilan fut très lourd, quelques trente-cinq morts, chiffre aujourd’hui contesté et revu à la hausse.
Une plaie béante dans les relations franco-africaines
C’est cette période sombre de l’histoire de France que le scénariste Pat Perna et le dessinateur Nicolas Otero ont tenu à mettre en lumière. Une période longtemps occulté car elle constitue aujourd’hui encore une plaie béante qui assombrit les relations franco-africaines, singulièrement avec le Sénégal, car c’est un des pires crimes commis par l’armée coloniale, et non pas comme cela à souvent été présentée, la répression d’une mutinerie. Et si en France la plupart des français ignorent cette histoire au Sénégal ils sont très nombreux à la connaître.
Le combat d’une historienne française
L’histoire retrace le chemin « de croix » d’une historienne française, Armelle Mabon, à travers sa quête de vérité pour qui ce massacre camouflé n’était pas une bavure mais un crime prémédité, l’armée ayant voulu faire un exemple. Cette thèse n’est pas partagée par l’ensemble de la classe universitaire et nombre de ses collègues lui reprochent son manque d’impartialité. Mais elle n’en démord pas : Il s’agit d’un mensonge d’Etat qui a duré 70 ans sans doute pour sauvegarder l’honneur des officiers. François Hollande s’est rendu à Thiaroye en 2014 et a évoqué « une répression sanglante » réévaluant même le nombre de victimes à soixante-dix. Mais pour l’historienne le chiffre serait plus près de 300 et pour le démontrer elle a entrepris un travail de recherches et de cartographie des fosses communes autour du camp de Thiaroye. La jeune femme milite également pour qu’un procès en révision ait lieu afin de réhabiliter ces hommes.
Reconnaître son erreur et la réparer
A n’en pas douter il faut un certain courage pour entreprendre une telle démarche mais Armelle Mabon n’en manque pas et Ichrono lui apporte tous ses encouragements car si la France a commis une erreur elle se grandirait à la réparer eu égard notamment aux descendants des tirailleurs en question. Par exemple en leur permettant de récupérer les corps des victimes afin de les enterrer dignement.
Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono