Sénégal : la réussite à crédit

450 milliards mobilisés ! Et déjà, les félicitations fusent, les communiqués pleuvent, les visages s’illuminent. On a réussi, paraît-il. Enfin, « réussi » à s’endetter un peu plus.

Hier, on critiquait les dépenses publiques. Aujourd’hui, on jubile pour des dettes. Cherchez l’erreur.

Sur le papier, tout est parfait : 150 % de l’objectif atteint, une levée de fonds éclatante, des investisseurs confiants, une diaspora enthousiaste. Le Sénégal rassure les marchés. Magnifique ! Sauf que les marchés, eux, ne vivent pas au Sénégal. Ils ne font pas leurs courses au marché Tilène, ne paient pas leurs factures d’électricité, et ne cherchent pas un emploi depuis trois ans.

Cette opération d’Appel Public à l’Épargne, la troisième du genre est présentée comme une « diversification des sources de financement ». En clair : on change de prêteur, mais on reste débiteur. On s’endette autrement, mais on s’endette toujours. Et tout cela sous les applaudissements !

Car oui, nous avons désormais un nouveau talent national : transformer la dette en motif de fierté. Plus on emprunte, plus on se félicite. Plus on dépend du crédit, plus on parle de souveraineté.

Pourtant, la vraie souveraineté ne se mesure pas à la vitesse à laquelle on lève des fonds, mais à la capacité de produire par soi-même. Et la vraie victoire n’est pas de mobiliser des milliards, mais de les transformer en routes, en emplois, en espoir.

Alors, jusqu’où ira cette passion nationale pour la dette ?

Jusqu’à ce que nos enfants célèbrent, eux aussi, les remboursements ?

Le courage politique, le vrai, serait de dire : « assez de crédits, place à la création ».

De passer des marchés financiers aux marchés réels. De cesser de payer hier avec demain.

Parce qu’en définitive, le futur ne se construit pas à crédit. Il se construit à la sueur des nations qui refusent de se bercer d’illusions.

Dr Saliou Cissé

Membre bureau politique du Parti Alliance pour la Citoyenneté et le

Travail (ACT Sénégal)