Ils sont les descendants des Palestiniens restés sur le territoire après la création d’Israël en 1948. Bien qu’ayant la nationalité israélienne et des droits civiques, ils font face à des discriminations bien documentées. Après le 7 octobre 2023 et ce que le gouvernement a qualifié de « guerre existentielle », leur sentiment d’exclusion s’est encore aggravé.
Abed Abou Chehadé et sa femme Hanine vivent à Jaffa , près de Tel Aviv. Le 7 octobre 2023, ils ne se réjouissent pas des massacres du Hamas. Certainement pas, insistent-ils. Lui partage simplement des images d’enfants tués à Gaza par l’armée israélienne. Et il en subit très vite les conséquences. « Je m’entraînais dans un club de boxe. Et à cause de mes posts sur Instagram, on m’en a exclu. C’est ce qui a changé depuis le 7 octobre. Cela montre à quel point les Israéliens ne font qu’un avec l’appareil sécuritaire. On nous fait payer nos positions. Sans même parler de persécution politique, on ne nous a même pas permis d’exprimer notre tristesse. Beaucoup de gens ici ont de la famille à Gaza », se souvient Abed Abou Chehadé.
« C’est comme si on ne me reconnaissait pas en tant que Palestinienne. Moi, je dois juste les reconnaître eux, avec leur douleur, leur histoire…et moi, on m’efface », complète sa femme Hanine.
La fin du rêve d’une société inclusive
Après le 7 octobre, le mirage d’une société inclusive s’efface pour de bon. Abed Abou Chehadé n’est pas le seul à le penser. Pour les organisations de défense des droits, une chape de plomb s’abat bel et bien sur les Palestiniens d’Israël. Surveillance accrue, arrestations arbitraires d’étudiants, d’artistes et d’élus politiques. À la Knesset, le Parlement israélien, les projets de loi destinés à réduire leur représentation vont bon train. L’un d’eux prévoit par exemple qu’un candidat pourrait se voir écarté par la Commission électorale pour soupçon de soutien au terrorisme en cas de visite d’un suspect ou un de ses proches.
Cela met les deux partis politiques « arabes » représentant aussi les minorités bédouines et druzes (au total 10 sièges à la Knesset ) devant un défi existentiel, explique Jacky Khoury, journaliste pour le journal de gauche Haaretz. « Désormais, les partis réfléchissent à la réponse face à ses politiques portées par les membres de la droite et de l’extrême-droite de la coalition au pouvoir. La première question qui se pose, c’est de savoir si ces partis pourront participer aux élections. Et puis, quelle sera la participation des citoyens arabes. Cette participation, elle sera d’autant plus forte que ces partis se montreront unis. »
Les élections législatives de 2026, un enjeu crucial
L’enjeu, ce sont les élections législatives de l’an prochain et le maintien ou non de Benyamin Netanyahu au pouvoir. L’actuel Premier ministre et chef du Likoud a dit la semaine dernière sa volonté de se représenter. Vu sa cote de popularité en Israël, Abed et son épouse ont peu d’espoir de changement, du moins à l’intérieur du pays. « Jusqu’au 7 octobre, nos partis participaient pour tenter d’influencer la politique israélienne. Pour moi, ça n’a plus de sens. Il nous faut participer, oui, mais dans le cadre d’une « lutte » plus globale. Voilà pourquoi, nous les Palestiniens devons élever le niveau de notre discours, au-delà de la scène locale et trouver une représentation internationale ! », estime Abed Abou Chehadé qui a largement commenté la vague de reconnaissance de la Palestine le mois dernier Abed Abou Chehadé dans le podcast qu’il anime chaque semaine, Place publique. Mais ce descendant de Palestiniens restés sur le territoire devenu Israël en 1948 tient à rester lucide. « Le monde a aussi laissé faire un génocide à Gaza », lâche le jeune-homme.
RFI