Il est des injustices de l’histoire qui tardent à être réparées et il faut parfois plusieurs générations avant que les pouvoirs publics ne se décident à rétablir dans leurs droits et leur honneur des personnes ayant servi la France, souvent au péril de leur vie. L’histoire des combattants de l’armée française d’Afrique venue libérer le 15 août 1944 la Provence de l’occupation militaire nazie est de celles-là.
Ces milliers d’africains, de nos colonies d’Afrique du Nord, de l’Ouest et de l’Est, (spahis, goumiers, tirailleurs sénégalais, etc.) ont dû attendre le 14 juillet 2010 pour que Nicolas Sarkozy, alors président de la République, annonce une remise à niveau des pensions militaires et une égalité de traitement entre militaires français et africains ayant servi dans l’armée française. Or durant la campagne de 1940, 23 unités sur 92 grandes unités en ligne de front étaient africaines et 20% des tués ont été africains. Les anciens combattants de nos ex-colonies auront du attendre soixante-cinq ans avant d’être rétablis dans leur droit. Entre temps, bien sûr beaucoup étaient décédés et n’ont pu bénéficier d’une pension décente de la République Française.
Des héros africains pour nos rues, nos places, nos monuments
Hier, à Saint-Raphaël, à la nécropole de Boulouris, dans le Var, à l’occasion des commémorations du 75ème anniversaire du déparquement de Provence, c’est de leur honneur dont à tenu à parler un autre président, Emmanuel Macron, en lançant un vibrant appel aux maires des communes de France pour qu’ils dénomment des rues, des places, des bâtiments publics, du nom de héros africains oubliés de l’Histoire de France. Il l’a fait en présence de deux chefs d’Etat africains ayant effectué le déplacement dans le Var, Alpha Condé, président de la Guinée et Alassane Ouatara, président de la Côte d’Ivoire ainsi que Nicolas Sarkozy l’ancien président.
Un processus mémoriel
75 ans ont été nécessaires avant qu’une démarche soit faite pour qu’on rende hommage à ces combattants dans un processus mémoriel et surtout qu’on inscrive la diversité dans l’histoire de France lors des heures cruelles pour la nation. Que ces noms s’inscrivent à l’avenir dans notre vie de tous les jours est indispensable pour espérer bâtir un avenir en commun. Un registre établi par le Quai d’Orsay, recensant les noms des combattants sera prochainement mis à la disposition des édiles qui ont d’ores et déjà très bien accueilli cette initiative.
Les migrants, la honte de l’humanité
Cette prise de conscience actuelle ne doit cependant pas masquer une autre réalité liée à tous ces migrants en détresse en mer. Ce sont en effet les enfants et petits enfants de ceux qui hier ont traversé la Méditerranée pour libérer le sol français du joug nazi qui aujourd’hui traversent à nouveau la mer au péril de leur vie fuyant les combats et la famine. A l’heure des célébrations du 75ème anniversaire de la libération de l’Europe du fascisme hitlérien les européens doivent s’interroger sur les conditions d’accueil et d’hospitalité sur son territoire de ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dans la plus grande détresse. Voici 75 ans des dizaines de milliers d’africains ont versé leur sang pour notre continent, celui-ci aujourd’hui doit-il fermer les yeux devant ces milliers de personnes qui disparaissent en mer ? On ne peut tenir deux discours, d’un côté celui de la reconnaissance historique envers des peuples venus à notre secours et de l’autre celui de l’indifférence envers ces mêmes populations face au problème de l’immigration. l’Europe, se doit, au nom des valeurs qui sont les nôtres de solidarité, d’hospitalité et de générosité, de réagir face à cette épouvantable tragédie du 21ème siècle.
Jean-Yves Duval, directeur d’Ichrono