Quand les surveillants de prison ont peur, cela en dit long sur l’état du pays

La France est devenue depuis quelques années un étrange pays, où il faut faire patrouiller la police devant les écoles, les lycées, les synagogues, les mosquées et les églises parfois, sans parler des transports en commun, ce qui n’empêche pas l’assassinat d’enseignants et d’enfants ou d’adolescents lors de rixes entre bandes. C’est dire le climat d’insécurité dans lequel nous vivons quotidiennement. Et je ne parle pas des menaces terroristes et du dispositif Sentinelle, avec des militaires en armes dans la plupart des lieux publics, les gares et les aéroports. Va-t-il falloir désormais y ajouter des patrouilles de police et de gendarmerie aux abords des centres pénitentiaires afin que les surveillants de prisons puissent être protégés ?

C’est bien ce qui risque de se produire au cours des mois à venir si les menaces à l’encontre de ces personnels, l’incendie de leurs voitures sur les parkings, les tags sur leurs maisons, ne cessent pas rapidement. Et demain, à quoi doit-on s’attendre ? Où va s’arrêter cette spirale de l’agressivité, de la violence qui affecte notre société et touche nos villes et nos villages. Et je ne parle pas des policiers de la BRI épuisés après cent heures de travail par semaine, quand ce n’est pas cent vingt, cent trente, des gendarmes de plus en plus nombreux à démissionner chaque année, des hospitaliers surbookés et des pompiers caillassés dans les cités, etc. etc. Nos dirigeants préfèrent se fermer les yeux et les oreilles, aveugles et sourds face à la détresse de ces fonctionnaires qui ont le blues, font des Burn out et multiplient les arrêts maladie, voire se suicident avec pour toute récompense une médaille sur le drapeau tricolore qui recouvre leur cercueil, et des paroles, toujours les mêmes, d’un ministre à l’intention de la veuve et des orphelins. Fermez le ban !  Notre pays, dont les services publics sont en déliquescence, est de moins en moins bien protégé et soigné alors que ce sont là les missions premières d’un Etat. De plus en plus en plus de personnes baissent les bras devant ce manque de considération et un tel mépris, peut-on leur reprocher ? Cela fait des décennies que tout fout le camp, que tout va à vau-l’eau,  et rien n’a été fait pour arrêter l’hémorragie, alors comment s’étonner aujourd’hui que le patient agonise ? Ce qui arrive était écrit, ici comme dans une multitude d’autres domaines. La France à le triste privilège d’être en faillite, financièrement et moralement.

Les « matons » ont peur ! Déjà qu’ils vivent une situation presque identique à celles des criminels et délinquants emprisonnés, comme eux, entre quatre murs, qu’ils subissent en permanence leurs insultes dans les couloirs des maisons d’arrêt ou des Centrales, on va maintenant jusqu’à les menacer de mort, y compris à leur domicile, leur anonymat n’étant toujours pas à ce jour protégé.  Ils vont travailler la peur au ventre après des nuits d’insomnie, pour des salaires que le premier footballeur professionnel venu n’accepterait pas, et encore moins le guetteur dans la cité, vérifiant sans cesse sur le trajet « prison-maison » qu’ils ne font pas l’objet d’une filature par des sicarios de cartels de la drogue ou de chefs mafieux, avec le risque, au bout du chemin, d’être rafalé à la kalachnikov. Ces fonctionnaires, comme tant d’autres, doivent raser les murs et surtout laisser l’uniforme sur leur lieu de travail de crainte d’être identifiés par d’anciens détenus ayant recouvré la liberté.

La honte a changé de camp, elle est désormais dans celui des honnêtes gens et des serviteurs de la République ! C’est indigne d’un Etat de droit et d’un « grand » pays comme le nôtre !

Alors, oui, on se plait à rêver à un régime pénitentiaire comme il en existe au Salvador, pays qui compte la plus dense population carcérale au monde. Un séjour à Cecot (Centre de confinement du terrorisme), implanté à 80 kms de la capitale San Salvador, vous garantit un séjour en enfer. Un bol en plastique, sans couverts, pour se nourrir, (ici pas de cantine, la nourriture est déposée devant les grilles)  une bassine d’eau pour se laver, mais pas de serviette, juste un gobelet pour se rincer, un coin W.-C. mais pas de papier hygiénique, les prisonniers dorment sur des couchettes métalliques superposées, sans couverture ni oreiller, à soixante, soixante-quinze, par cellule d’une centaine de mètres carrés.  Un univers qui n’est pas sans rappeler un élevage de poules en batterie. Ajoutez à cela une discipline de fer, avec au moindre faux pas direct la cellule d’isolement.

Avec 14 000 détenus, Cecot a de quoi faire rougir le directeur de Fleury-Mérogis, le plus grand centre pénitentiaire d’Europe, qui en accueille seulement 3 500 ! Autre différence majeure, les détenus de Cecot purgent des peines allant de 100 à 1 600 ans de prison, vous avez bien lu, autant dire qu’il ressortiront de cet endroit les pieds devant. Pour préserver leur identité, tous les gardiens sont encagoulés avec une tenue anti-émeute, après des condamnations prononcées par des juges anonymes lors de procès en visioconférence. On comprend que Donald Trump désire sous-traiter au Salvador et son président, Nayib Bukele, l’avenir des migrants entrés clandestinement aux Etats-Unis, ou les criminels les plus endurcis. Contre paiement bien sûr. Près de 250 d’entre eux viennent déjà d’être transférés au Salvador  contre la somme de 6 millions de dollars par an.

On comprend dans ces conditions que ce pays qui possède les gangs les plus sanguinaires d’Amérique latine, le Barrio 18 ou Mara Salvatrucha 13, ait remporté la bataille contre l’une des criminalités les plus féroces que la planète ait connue, avec il y a encore quelques années des taux de morts par homicide dépassant ceux à l’époque des pays en guerre, d’où sa réputation de « coupe-gorge du continent américain »

On comprend aussi, avec de telles mesures, que le président Bukele, qui s’est lui-même autoproclamé sur les réseaux sociaux comme le dictateur le plus cool de la planète,  bénéficie d’une popularité de près de 90%.

Reste une question : Entre la démocratie qui ne sait pas protéger ses citoyens ou un Etat autoritaire, assez peu respectueux des droits de l’homme, le choix est cornélien. Une chose est certaine, le Salvador est devenu aujourd’hui le pays le plus sûr de l’Amérique, après le Canada et selon la même étude de l’Institut Gallup, la France se situe quant à elle 27 places derrière. A chacun de se faire sa propre opinion.

Comme aurait dit Roger Gicquel, présentateur du 20 Heures de TF1 dans les années 80, (au-delà des surveillants de prison) la France toute entière a peur !

Jean-Yves Duval, journaliste écrivain