« Quand les slogans du PM se heurtent aux faits » (Par Thierno Bocoum)

Lors du lancement du Forum Invest in Sénégal, prévu les 7 et 8 octobre 2025, le Premier ministre s’est voulu rassurant en déclarant :

« Le programme avec certains bailleurs multilatéraux, notamment le FMI, est suspendu depuis un an. Aucun décaissement n’a été effectué en faveur du Sénégal, mais le Sénégal tient bon. »

Quelques mois après avoir lui-même déclaré le pays en faillite, le voilà qui affirme aujourd’hui qu’il « tient bon ». L’intention est limpide : projeter une image de souveraineté économique retrouvée.

Cependant, derrière cette façade, une réalité plus nuancée apparaît et les chiffres parlent plus fort que les slogans.

En 2024, l’État sénégalais a perçu 266 milliards de FCFA de revenus pétroliers nets, issus de l’exploitation du champ de Sangomar (dont les recettes totales ont atteint 595 milliards de FCFA). En comparaison, les décaissements attendus du FMI s’élevaient à 230 milliards de FCFA sur la même période.

Autrement dit, la manne pétrolière a permis au pays de tenir debout, là où l’appui budgétaire multilatéral s’est interrompu.
Ce n’est donc pas là le fruit d’un génie gouvernemental ou d’un sursaut de gestion vertueuse. C’est la nature qui a livré ses dividendes pendant que l’exécutif s’est contenté de les encaisser.

Et ce qui frappe le plus, c’est le silence officiel qui entoure cette ressource pourtant cruciale. On n’en parle ni pour saluer son rôle de sauvetage budgétaire, ni pour expliquer où elle va. On encaisse et on se tait.

Le régime actuel n’a lancé aucune réforme majeure, ni redéfini la fiscalité, ni réorganisé les grands équilibres budgétaires. Il a simplement hérité d’un calendrier pétrolier entamé bien avant lui et c’est ce calendrier qui tient provisoirement le pays à flot.

La vraie question demeure : qu’a-t-on fait de cette manne ?

La loi n°2022-09 prévoit que les revenus des hydrocarbures soient répartis entre le budget général, un Fonds de stabilisation et un Fonds intergénérationnel, destiné à préserver une part pour les générations futures.

Cette même loi confie explicitement la gestion du Fonds intergénérationnel au FONSIS, structure publique spécialisée. Pourtant, dans la loi de finances initiale 2025, ce fonds est curieusement logé à la Présidence de la République, pour un montant de 7,25 milliards de FCFA.

Une violation manifeste de la loi, sans aucun décret explicatif, sans fondement public, sans transparence.

On déplace les fonds, on détourne les procédures mais on ne rend pas compte.

Et ce n’est pas tout puisque qu’aucun rapport détaillé n’a été publié sur l’affectation des 266 milliards encaissés en 2024. Les rapports ITIE restent muets sur la ventilation précise de ces ressources.
De même aucun mécanisme de suivi indépendant ni débat parlementaire n’a été activé.

Ce n’est donc pas la transparence qui gouverne mais le flou.

Le gouvernement se targue de tenir debout sans le FMI. Il le fait en s’appuyant sur des ressources naturelles dont il ne parle pas ou seulement pour embellir ses discours. Il ne les revendique pas pour en assumer l’usage, ni ne les éclaire pour en montrer la destination.

Ce n’est donc pas la transparence qui gouverne mais l’opacité.

Par ailleurs, le gouvernement qui veut donner l’image d’un État debout, affranchi de la tutelle extérieure fait accroître la dette publique sous son mandat.

En effet, 311,6 milliards de FCFA de nouveaux emprunts ont été contractés dès le premier trimestre 2024, alors que la loi de finances initiale tablait sur un endettement plus modéré. L’encours de la dette publique a bondi de 15 % entre 2023 et 2024, passant de 15 700 à 18 007 milliards de FCFA. Et pour 2025, les besoins de financement sont estimés à 4 573,9 milliards de FCFA, un niveau supérieur à celui de 2024, qui était estimé à 2 138,38 milliards de FCFA dans le LFI puis réévalué à 4 491,4 milliards de FCFA dans la LFR 2024,
confirmant une trajectoire de dépendance accrue à l’emprunt, malgré les revenus nouveaux issus du pétrole.

Autrement dit, au lieu d’utiliser la manne pétrolière pour alléger la pression budgétaire, le régime continue de s’enfoncer dans une spirale d’endettement.

Et pendant ce temps, les citoyens attendent qu’enfin, la gouvernance des ressources rime avec rigueur et que les promesses d’un nouveau départ cessent d’être différées.

Le pays tient bon quand il s’agit d’encaisser des fonds politiques, d’acheter des véhicules de luxe ou de multiplier les recrutements politiques mais il vacille dès qu’il faut répondre aux urgences sociales, à la précarité grandissante et aux souffrances quotidiennes de nos concitoyens.

Thierno Bocoum
Président AGIR