Le documentaire du réalisateur sénégalais Papa Alioune Dieng intitulé Ejo Tey, Téranga au pays des mille collines, met en exergue les deux visages du Rwanda, ce pays d’Afrique centrale aujourd’hui donné en exemple pour son dynamisme et son développement, 31 ans après le génocide des Tutsis.
Ce long métrage de 90 minutes a été présenté, mercredi, au Musée des civilisations noires de Dakar, devant un public composé d’anciens ministres, de professeurs d’université et d’acteurs du monde de la culture, entre autres.
Il dresse en filigrane les profondes relations unissant le Sénégal et le Rwanda, qui remontent à l’arrivée d’une vague d’étudiants rwandais à Dakar à la fin des années 1960. Ces liens tissés restent aujourd’hui vivaces grâce au travail accompli durant le génocide par le capitaine Mbaye Diagne, un soldat sénégalais, missionnaire des casques bleus des Nations unies au Rwanda, mort en héros en sauvant des vies.
Ce documentaire, avec une musique originale signée Cheikh Ndoye et un montage de Laure Malécot, s’inscrit dans un travail de mémoire, en revenant en profondeur et surtout avec délicatesse sur le génocide perpétré contre les Tutsis du Rwanda en avril-juillet 1994. Il s’agit d’un drame dont les débuts exacts remontent «au 1er novembre 1959», indique l’écrivain et journaliste sénégalais Boubacar Boris Diop, auteur du roman Murambi les livres des ossements (2000).
Tour à tour, des témoins ou victimes reviennent sur les faits de cette douloureuse histoire à travers ce film mené de bout en bout par l’historien sénégalais d’origine mauritanienne, Abdourahmane Ngaïdé. Ce dernier, partant de son propre vécu, car vivant au Sénégal depuis 1989 après les malheureux évènements entre la Mauritanie et le Sénégal, séjourne au Rwanda pour comprendre et apprendre de ce pays en termes «de mémoire» mais surtout de «revalorisation de l’humain en tant que tel».
Et c’est tout le sens de ce documentaire qui reparle de cette tragédie avec vérité, mais surtout montre le travail de mémoire accompli par les Rwandais pour que leur pays ne revive «plus jamais ça». Ejo Tey, la Téranga au pays des mille collines est aussi une invite à l’Afrique à ne compter que sur elle-même.
elon l’un des témoins, pendant le génocide, seuls les casques bleus sénégalais et ghanéens sont restés alors que les autres ont préféré rentrer, laissant le Rwanda à son propre sort. «Le film a permis de comprendre pourquoi ce qui s’est joué il y a une vingtaine d’années dans l’indifférence, loin des yeux et des oreilles du monde, sonne aujourd’hui avec beaucoup de puissance dans toutes les consciences (…)», a dit le professeur de littérature africaine à l’université Cheikh-Anta-Diop, Ibrahima Wane.
La collaboration entre le réalisateur Papa Alioune Dieng et le «brillant historien et artiste atypique» Abdourahmane Ngaïdé montre la singularité du Rwanda avec cette «tragédie inouïe», a-t-il expliqué, évoquant cette nouvelle dynamique politique et économique du Pays des mille collines. «Ils montrent ce que le Rwanda a en commun avec les autres, notamment le Sénégal, l’Afrique de l’Ouest, aux plans historique, culturel, humain. Ils ont su dire l’indécis, la tragédie et l’invisible, cette proximité, ces liens forts que l’on ne voit pas», a souligné Ibrahima Wane.