A l’heure de la rentrée politique, deux dirigeants, l’un anglais, l’autre italien, ont joué gros. L’un s’est montré un habile stratège et l’autre un mauvais tacticien. Johnson marcherait-il dans les pas d’un certain Winston Churchill ? Quant à Salivini il aurait du relire « Le Prince » de Machiavel avant de se lancer dans une entreprise pour le moins périlleuse.
En Grande-Bretagne la décision de Bo Jo de suspendre le Parlement durant cinq semaines démontre ses qualités de stratèges et font mentir ceux qui le présentaient comme un apprenti sorcier. Et l’opinion publique (une partie du moins) qui s’indigne en criant au coup d’Etat à tort car la procédure qu’il a engagée est tout ce qu’il y a de plus constitutionnel. La meilleure preuve est que la reine a signé le décret que lui a présenté son Premier ministre. Il convient donc de parler plutôt d’un coup d’éclat. En agissant ainsi Boris Johnson ne fait rien d’autre que de mettre le Parlement au pied du mur et face à ses responsabilités, les députés sous la férule de Theresa May n’ayant pas pu au cours des trois années qui viennent de s’écouler trouver une solution à propos du Brexit. Face à la date d’échéance fixée au 12 octobre les honorables membres de la Chambre des communes n’auront donc, au mieux quelques jours, au pire quelques heures, pour se prononcer à moins que d’ici là, ce qui est peu probable, une motion de censure ne soit votée contre le gouvernement. En réalité Boris Johnson a choisi la voix du peuple à la voie parlementaire, ce qui est loin d’être un atteinte à la démocratie comme le clame certains en poussant des cris d’orfraie et l’instauration d’une soi-disant dictature. Et ce n’est pas l’entretien auprès de la reine qu’à sollicité le leader travailliste (qu’il a d’ailleurs peu de chance d’obtenir) Jeremy Corbin, ni la signature d’une pétition (1,4 million de signatures) contre la décision prise par Bo Jo qui changeront quoi que ce soit à la situation. En attendant le mois d’octobre l’Europe retient son souffle.
Le coup de poker de Matteo Salvini
En Italie la situation est très différente et le coup de poker de Matteo Salvini a fait long feu. En faisant exploser le 8 août dernier la coalition gouvernementale entre le Mouvement 5 étoiles (M5S) et son parti la Ligue le ministre de l’intérieur espérait bien rafler la mise et obtenir après de nouvelles élections législatives une majorité pour gouverner seul. C’était sans compter sur le marché de dupes qui vient d’être passé entre le M5S et le Parti démocrate pourtant honni jusque-là par Beppe Gillo et Luigi Di Maïo. L’Italie va donc se doter d’un gouvernement jaune-rouge dirigé une nouvelle fois par Giuseppe Conte. Salvini de son côté va devenir le chef de file de l’opposition fort de plus de 30 % d’intentions de vote. A n’en pas douter pour lui ce n’est que partie remise. En attendant ce moment l’Europe respire un peu mieux.
La scoumoune et la baraka
Ainsi donc de ces deux joueurs qui ont parié gros, l’un est en passe de remporter son pari tandis que l’autre a été tenu en échec. L’un aura pu compter sur sa baraka et l’autre être la victime de la scoumoune. Il en va en politique comme sur le tapis vert, il y a des jours où tout vous sourit … ou pas.
Jean-Yves Duval * Directeur d’Ichrono
- Ancien auditeur au Centre d’études diplomatiques et stratégiques