Pastef ou le charlatanisme politique (par Mamadou Sy Tounkara)

Quand le populisme et l’improvisation remplacent la gouvernance

L’arrivée au pouvoir de Pastef – Les Patriotes s’est faite sur fond de violences politiques inédites et de promesses électorales démesurées. Ce cocktail explosif a séduit une partie de l’opinion fatiguée par des années de frustrations accumulées. Mais aujourd’hui, la réalité du pouvoir met à nu les limites structurelles d’un projet bâti davantage sur la dénonciation que sur une vision économique et institutionnelle solide.

Une stratégie politique fondée sur la peur économique

Dès son installation, le nouveau régime a multiplié les accusations de “dette cachée” à l’encontre de l’ancien président Macky Sall. Présentées comme une révélation choc, ces allégations ont eu un effet économique immédiat : perte de confiance des investisseurs, crispation des partenaires internationaux, instabilité budgétaire.

Face à cette offensive politique, Macky Sall a répliqué en mandatant un avocat international, ancien bâtonnier du barreau de Paris, pour exiger la publication officielle de tous les documents relatifs à la dette. Cette démarche juridique rigoureuse a mis en lumière le manque de consistance de la communication gouvernementale.

Un symbole inquiétant : l’épisode Bara Ndiaye

Comme pour enfoncer le clou, la contre-attaque de Pastef se manifeste par la mise en avant d’un personnage pour le moins singulier : Bara Ndiaye, ancien vendeur d’amulettes et de poudres mystiques à la télévision, devenu porte-voix politique.

Ce choix est symptomatique d’un glissement dangereux :

  • de la communication d’État vers la communication-spectacle,
  • du sérieux institutionnel vers le sensationnalisme,
  • de la rigueur politique vers le populisme charlatanesque.

Populisme rime rarement avec performance

Cette faillite de la communication, combinée à une gouvernance économique chaotique, démontre que les slogans électoraux ne construisent ni des budgets équilibrés ni une économie stable. Les sociétés modernes ne se gouvernent pas à coups d’incantations médiatiques. Elles se gouvernent par des décisions rationnelles, transparentes et assumées. L’illusion populiste a un coût : perte de crédibilité, paralysie institutionnelle et désillusion rapide des citoyens.

Une leçon politique

L’histoire politique récente du Sénégal est en train de livrer une leçon claire :

Le charlatanisme politique peut galvaniser une foule, mais il ne bâtit pas une nation.

Le spectacle peut séduire les caméras, mais il détruit la confiance des partenaires.

Les promesses faciles peuvent emporter une élection, mais elles s’écrasent sur le mur de la réalité économique.

Conclusion

Un État ne se gouverne ni avec des gri-gris, ni avec des incantations. Il se gouverne avec une vision, des institutions solides et une culture de responsabilité. Quand un pouvoir choisit la manipulation symbolique au détriment de la crédibilité économique et institutionnelle, il prépare lui-même la faillite de son peuple. Le charlatanisme politique peut faire élire. Il ne fera jamais gouverner efficacement.

Mamadou Sy Tounkara