MON GÉNÉRAL, JE VOUS ÉCRIS CETTE LETTRE …

J’étais étudiant et j’avais vingt ans, l’âge propice à l’engagement politique et je ne faillis pas à la règle. J’entendais bien être acteur de ma vie et non spectateur, et quoi de mieux que de défendre des idées, des convictions lorsqu’elles sont chevillées au corps, alors que tant d’autres jeunes restaient les bras croisés face à l’orage qui menaçait le pays. Nous étions en 1967 et aux États-Unis, mais aussi en Europe, les universités étaient en ébullition et des mouvements protestataires enflammaient les amphis, y compris celui de ma fac de droit provinciale. 

 En France, tout partit d’une revendication d’apparence futile, la mixité dans les dortoirs sur les campus. Une demande très vite suivie d’une contestation plus politique, voire même radicale, d’un courant dénommé « situationnisme » d’essence révolutionnaire, qui apparut en premier lieu à l’université de Strasbourg, avant que la contagion ne gagne toutes les universités de l’Hexagone. Le gauchisme était né, provocateur et avec lui le mois de mai 1968 et ses fameux slogans provocateurs, iconoclastes : « Il est interdit d’interdire », « Sous les pavés la plage », « CRS-SS », etc. 

 Dans les semaines et les mois qui suivirent dans les manifs estudiantines on entendit scander le slogan « De Gaulle démission », les étudiants, et les lycéens, dévoilant leur vrais visages de militants d’extrême-gauche et affichant leur hostilité au fondateur de la 5e République au pouvoir depuis 1958. Pour moi, c’en était trop, et c’est à cette date que je rejoignis le mouvement des jeunes gaullistes, dont les adhérents entendaient s’opposer à ce que De Gaulle qualifiait de « chienlit ». Défilés, barricades au quartier Latin, incendies de véhicules, heurts violents avec les CRS, occupation d’usines, grèves, affrontements avec les nervis de Cohn-Bendit, dit Dany le rouge, Geismar, Krivine, etc. le climat était devenu insurrectionnel. 

Chacun connaît la suite, De Gaulle, face à « une situation insaisissable » partit à Baden-Baden, et à son retour, le 30 juin il y eut sur les Champs-Élysées un défilé de plus d’un million de patriotes et une marée de drapeaux tricolores. Celui-ci eut pour effet de retourner la situation, et tout rentra définitivement dans l’ordre à l’occasion des élections législatives qui suivirent, offrant une très large majorité aux députés favorables au régime, un instant ébranlé. La fin de la récré avait été sifflée. 

Vous veniez, mon général de sauver le pays pour la troisième fois, et nous étions fiers d’avoir intégrés les rangs de votre armée de compagnons à La Croix de Lorraine. Depuis cette date, mes convictions gaullistes n’ont pas varié d’un iota, elles sont ancrées au plus profond de moi, mon admiration et la fidélité étant totalement acquises à l’homme du 18 juin 1940, comme à celui de 1958 et de 1968. 

C’est pourquoi, à l’heure où les institutions qu’il a créées, sont remises en question, à l’heure aussi où le pays redécouvre les délices empoisonnés de la 4eme République avec des crises à répétition et des changements de gouvernements successifs, je souhaite rappeler vos propos, mon général, d’une brûlante actualité : 

«  Le tout est maintenant de savoir si j’aurais été la dernière chance de la France avant longtemps, ou si elle en retrouvera une avant qu’il ne soit très tard. De toute façon, il n’y a que dans l’épreuve qu’elle retrouvera ce genre de chance. Moi-même, je n’ai été, pour elle, cette chance que dans l’épreuve »

Et bien cette épreuve est là aujourd’hui, reste à savoir si nous aurons la chance qu’un nouvel homme providentiel vienne nous tirer du bourbier dans lequel le pays est enlisé. Et en aucun cas, il ne peut s’agir de l’actuel chef de l’Etat auteur, en grande partie, de cette situation calamiteuse. Les français ont été victimes de ce soi-disant « Jupiter », ce supposé « Mozart de la finance » d’un véritable abus de confiance, et aujourd’hui le pays est au bord de la banqueroute. 

J’imagine, mon général que là où vous êtes vous devez contempler ce spectacle affligeant avec une immense tristesse, empreinte d’une profonde désolation. La France, ce « cher et vieux pays », si cher à votre cœur est en train de prendre l’eau de toute part : économie, (à quand la mise sous tutelle du FMI ?) diplomatie,(la souveraineté française est chaque jour un peu plus diluée dans l’Union européenne) finance (avec une dette de plus de trois mille milliards d’euros) insécurité, immigration (vous qui redoutiez tant un « Colombey-les-deux mosquées »), et n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle est retombée dans ses travers d’antan sous les coups de politiciens qui ont perdu le sens de l’État et de l’intérêt général, au profit de leur intérêt personnel, bassement électoraliste et mercantile. 

Avec vous la politique s’écrivait avec un grand P, aujourd’hui ce n’est plus qu’un petit pet !

Espérons, car vous nous avez appris, mon général, à ne jamais se résigner, « La fin de l’espoir est le commencement de la mort », qu’un sursaut salvateur survienne, la France ayant derrière elle une histoire trop glorieuse pour ne pas sombrer dans des turpitudes aussi misérables et une semblable mesquinerie. Le dernier acte de la pièce n’est pas écrit et la messe n’est pas encore dite, comme dirait le curé de l’église de Colombey. 

 Jean-Yves Duval, journaliste écrivain