Management par le NUDGE management – «COUP POUCE»  Eric Singler

Nudge : « C’est éviter de passer par la loi ou des sanctions financières », estime Eric Singler

  • Nudge management: Comment créer du bien-être, de l’engagement et de la performance au travail avec la révolution des sciences comportementales

Matthieu Belliard reçoit Eric Singler, directeur général du groupe BVA et père du « nudge », un concept de sciences comportementales qui inspire la communication du gouvernement pendant la crise sanitaire.

Invité(s) : Eric Singler, directeur général du groupe BVA et père du « nudge », un concept de sciences comportementales qui inspire la communication du gouvernement pendant la crise sanitaire

Par Matthieu Belliard

Nudge   Eric singler

 [LIVRE] Nudge management: comment créer du bien-être, de l’engagement et de la performance au travail avec la révolution des sciences comportementales

Comment créer du bien-être, de l’engagement et de la performance au travail avec la
révolution des sciences comportementales. Comment favoriser l’engagement au travail et
l’esprit d’équipe? Comment mettre en place un cadre physique et mental qui favorise le
bienêtre au travail et la prise de bonnes décisions? Comment aider ainsi l’entreprise à être
plus performante? Grâce à ce livre, basé sur les recherches les plus récentes en sciences
comportementales, vous allez comprendre ce qui influence réellement nos attitudes et …

Petit guide du Nudge management

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1 août 2019 — Eric Singler est DG du groupe BVA, président du think tank NudgeFrance et auteur de « Nudge marketing » et « Green Nudge ». Ce texte est …

Commentaires

Le Nudge, ou méthode d’incitation douce, permet d’encourager les individus à modifier leurs comportements négatifs pour en adopter d’autres qui soient plus compatibles avec leur intérêt et celui de la société. Appliqués au monde de l’entreprise, les Nudges offrent un puissant outil de management pour activer les leviers de l’efficacité et de la performance individuelle et collective de manière efficace, non coercitive et à moindre coût. Les esprits chagrins diront de l’approche Nudge qu’elle est une technique de manipulation, mais pour Éric Singler, pionnier du Nudge en France, elle est une ‘promesse formidable’ pour susciter l’engagement et l’esprit d’équipe.

À propos de l’auteur

Éric Singler est directeur général du groupe BVA et l’un des pionniers de l’approche Nudge en France.

Résumé

L’économie comportementale permet d’expliquer nos comportements irrationnels et de mieux comprendre les mécanismes du processus décisionnel.

Bon nombre des décisions individuelles que nous prenons chaque jour ne sont pas toujours rationnelles. En effet, bien que nous sachions quel comportement il conviendrait d’adopter et que nous soyons prêts à nous y plier, nous n’y parvenons pas. Et ce, même lorsque les enjeux sont importants, qu’il s’agisse de notre santé, de notre environnement, voire de notre espérance de vie. Fuir l’exercice physique, rester en surpoids, fumer, écrire un SMS au volant sont autant de conduites à risque, et même totalement ‘contraires à notre intérêt’. Tout porte donc à croire que ‘les humains ne sont pas des décideurs rationnels’. L’économie comportementale permet d’expliquer ces comportements irrationnels et de mieux comprendre comment nous prenons nos décisions.

Selon la théorie classique de la décision, l’homme est un être rationnel qui prend ses décisions en analysant les caractéristiques de chaque option qui lui est soumise, et qui opte pour celle qui ‘maximise son intérêt’. L’homme est pensé comme un agent économique (Homo economicus…

On pourra lire ceci

Chronique éco] Nudge management d’Eric Singler est-il ou non une bonne introduction au sujet ?

Le nudge peut-il servir à améliorer le management ? Et si oui comment ? Telle est la question posée par Eric Singler dans Nudge Management, paru aux éditions Pearson. Raphaël Giraud, professeur d’économie à Paris XII et contributeur régulier à L’Usine Nouvelle a lu cet ouvrage. Spécialiste de l’économie comportementale, il pointe les avancées contenues dans l’ouvrage, qu’il a lu avec rigueur.

Christophe Bys

Le nudge ça marche aussi au bureau. Et peut être comme la prose de Monsieur Jourdain, vous en faîtes sans le savoir.

Le concept de « nudge », que l’on peut traduire par « coup de pouce », a été forgé par un des fondateurs de la nouvelle approche de la science économique appelée « économie comportementale » et dernier prix Nobel d’économie, Richard Thaler, et un juriste, Cass Sunstein. Il a pour fonction de rendre opérationnels les résultats des recherches récentes en sciences comportementales (à l’intersection de l’économie, de la psychologie et des neurosciences) dans un cadre politique. Il s’agit de donner aux pouvoirs publics (mais en fait également à tout instance dotée de pouvoir sur d’autres) de nouveaux leviers d’influence sur leurs administrés. Pour obtenir la conformité des comportements à leurs objectifs, les pouvoirs publics et les pouvoirs en général s’appuient traditionnellement sur un système de récompenses et de punitions, c’est-à-dire un système d’incitations. Celles-ci prennent volontiers une forme monétaire.

Efficacité ou manipulation ?

 

Mais l’économie comportementale a montré que les incitations monétaires pouvaient être inefficaces, voire contre-productives, car elles ignorent certaines caractéristiques fondamentales du processus cognitif menant à la décision des individus. Celui-ci est fortement influencé par des mécanismes inconscients, des automatismes, des raccourcis de pensée, des émotions et des considérations relatives au contexte (linguistique, social, temporel, etc.) de la décision, quand bien même ce contexte serait en principe totalement non-pertinent pour celle-ci. L’idée de nudge consiste pour une autorité à mettre en place les éléments de contexte (une « architecture de choix ») de manière à orienter la décision des individus dépendants d’elle dans le sens voulu. Ainsi, d’après un résultat célèbre des psychologues Kahneman et Tversky, les individus sont plus enclins à prendre des risques lorsque les conséquences de leurs décisions sont formulées en termes de pertes (par rapport à une situation neutre) qu’en termes de gains.

Si l’on veut convaincre un patient de subir une intervention chirurgicale présentant (comme toute opération) un risque, il est plus efficace d’insister sur les dangers auxquels il s’expose en ne la faisant pas que sur les bénéfices escompté, par exemples : « vous allez vivre dix ans de plus » ou « vous allez mourir dix ans plus tôt ». Un autre exemple est le biais de statu quo, nom psychologique de la résistance au changement présentée par les individus. Si l’on veut obtenir que le don d’organes augmente, il est préférable que la loi impose que l’on soit donneur d’organes par défaut, et que l’on doive se déclarer explicitement non-donneur pour cesser de l’être.

Du nudge pour mieux diriger

L’idée défendue par Eric Singler, directeur général du groupe BVA, dans Nudge management (1), est que l’approche par le nudge, initialement conçue pour résoudre un problème politique (l’articulation entre liberté des citoyens et efficacité de leurs choix), peut constituer la base de nouvelles pratiques managériales permettant d’améliorer la productivité et l’engagement des collaborateurs de l’entreprise, et plus généralement favoriser dans l’entreprise l’adoption de comportements bénéfiques tant aux collaborateurs qu’à l’entreprise elle-même.

On ne peut que saluer le sérieux, l’opiniâtreté, la foi même avec lesquels Eric Singler s’efforce de mener à bien sa mission de passeur entre une littérature scientifique pas forcément accessible et les acteurs du monde de l’entreprise qui peuvent en bénéficier.

 

N’étant pas chercheur lui-même, l’érudition dont il fait preuve dans cet ouvrage n’en est que plus remarquable, même si elle met parfois un peu sur le même plan des sources de diverse nature (des articles publiés dans des revues scientifiques à comité de lecture aux ouvrages de vulgarisation en passant par les interviews dans la presse). Rien que pour cet aperçu d’une littérature foisonnante, l’ouvrage vaut certainement le coup d’être lu, et peut être source d’enrichissement intellectuel.

Approximations théoriques

Sur le fond cependant, on émettra cependant quelques réserves. Certaines sont de détail, comme le caractère approximatif de sa présentation de la théorie de l’homo oeconomicus à laquelle s’oppose l’économie comportementale : non, la théorie de la décision classique n’affirme pas qu’être rationnel implique de prendre ses décisions en évaluant les options en présence par la somme de leur score sur chaque critère, pondérée par l’importance de celui-ci. Elle implique seulement de choisir l’option ayant le score global le plus élevé, sans préciser comment celui-ci est calculé, sauf dans le cadre de la prise de décision en présence d’incertitude. Et le paradoxe d’Allais ne remet pas en cause cette méthode de décision, sauf dans ce dernier cas. Au fond, Eric Singler est plus à l’aise sur la littérature en sciences comportementales que sur ce à quoi elle s’oppose.

D’autres sont plus sérieuses mais ne sont pas entièrement imputables à Eric Singler : elles ont trait au caractère souvent flou et attrape-tout de la notion de nudge, dès qu’on cherche à la préciser. C’est un reproche fait régulièrement à Sunstein et Thaler dans le débat scientifique autour de cette notion. Dans l’ouvrage de Singler, ce flou se traduit par une définition très élastique, qui au fond semble inclure toutes les façons dont une entreprise peut inciter non-monétairement et de façon douce ses employés à réaliser certaines tâches.

Il en résulte globalement le sentiment d’un lien assez ténu entre les recommandations faites par l’auteur et tout l’appareil conceptuel de l’économie comportementale exposé en début d’ouvrage.

Si ces recommandations (faites des to-do-lists, faites des siestes, faites en sorte comme dirigeant de concevoir une réforme rationnellement mais d’en convaincre les collaborateurs en faisant appel à leur composante irrationnelle, concevez l’environnement de travail en fonction de ce à quoi il est censé servir, etc. ), semblent convaincantes, voire frappées au coin du bon sens, elle paraissent moins découler directement des recherches en économie comportementale. La notion de nudge paraît parfois utilisée pour donner un vernis scientifique à ces idées.

Un ouvrage riche parfois naïf

Finalement, à la lecture de l’ouvrage, on ne peut qu’être frappé par la foi en les vertus de l’approche nudge qui anime Eric Singler, lequel semble penser qu’il tient là la solution à tous les problèmes de management d’une entreprise. On aurait pu espérer un peu plus de recul, compte tenu du fait que cette approche fait l’objet de débats dans la communauté scientifique, notamment concernant ses implications éthiques. En effet, l’idée d’une autorité s’appuyant sur les « faiblesses » de l’esprit humain pour orienter ses choix est déjà un peu inquiétante lorsqu »elle s’applique à l’Etat, même si, en France, on s’accorde à le reconnaître globalement comme soucieux de l’intérêt général. Que penser alors lorsqu’une telle technique de manipulation des individus est entre les mains d’une institution dont la vocation est le profit, comme l’entreprise ?

Nudge management est donc un ouvrage de conseil en management riche, dont l’érudition apportera beaucoup au lecteur curieux, dont les recommandations sont convaincantes, et dont la volonté de fonder celles-ci dans les avancées de la science est fort louable. On peut cependant regretter une utilisation un peu molle des concepts scientifiques présentés, une certaine tendance à en faire un argument d’autorité et à manquer de recul critique vis-à-vis d’eux.

Raphaël Giraud @raphael_giraud est Professeur de sciences économiques à l’université Paris 8- Vincennes Saint-Denis

Les avis d’experts sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction de L’Usine Nouvelle.

Points forts :

  • Richesse et pertinence des références, notamment en psychologie.
  • Volonté de fonder les recommandations sur les résultats de la recherche et de créer un pont entre recherche et entreprises sur les thématiques des sciences comportementales.
  • Recommandations convaincantes

Points faibles :

  • Un peu approximatif sur la théorie économique classique
  • Enfonce parfois un peu des portes ouvertes sous couvert de proposer des recommandations fondées sur la science
  • Utilisation un peu « marketing » et élastique du concept de nudge .
  • Présentation un peu triomphaliste des recherches en économie comportementale comme une panacée, et manque de recul par rapport aux questions éthiques soulevées par le concept de nudge.

(1) Eric Singler, Nudge management, Pearson France, Tours, 2018, 328p.

Christophe Bys Grand reporter management, ressources humaines

Christophe Bys est grand reporter à L’usine Nouvelle. Il a été rédacteur en chef adjoint de Stratégies Télécoms et Multimédias et rédacteur en chef de Sociétésdelinformation.net au cours des années 2000. A L’Usine Nouvelle, il suit de près les questions liés aux ressources humaines et au management et, plus généralement tout ce qui concerne le futur du travail. Il présente le podcast consacré aux femmes de l’industrie, anime Le pitch du lundi et est responsable éditorial du hors série annuel « Le guide de l’ingénieur »

@christophebys

https://www.usinenouvelle.com/article/chronique-eco-nudge-management-d-eric-singler-est-il-ou-non-une-bonne-introduction-au-sujet.N723289

Face à cela, vous proposez une approche fondée sur l’économie comportementale, le « nudge » ? En quoi ça consiste ?

Le nudge (« coup de pouce » en anglais) est une approche qui a révolutionné l’univers des politiques publiques et commence à atteindre les entreprises les plus innovantes comme Google. Il vise à concevoir des environnements qui incitent à l’adoption de nouveaux comportements individuels et collectifs (innover, apprendre, communiquer…). L’approche se fonde sur une compréhension approfondie des facteurs d’influence des comportements humains : nous sommes irrationnels, mais notre irrationalité est prévisible lorsque l’on connait les biais qui motivent nos décisions. Par exemple : Pourquoi y a-t-il de l’obésité ? Pourquoi y a-t-il toujours autant de fumeurs alors que l’on connaît les effets néfastes pour la santé ? C’est ce que l’on appelle le « biais du temps présent » : on préfère un avantage immédiat à un gain sur le long terme.

Le nudge (…) sert à transformer un comportement A en comportement B. Il modifie l’environnement (…) pour influencer, les choix disponibles.

Concrètement, comment fonctionne le nudge, adapté à l’environnement de travail ?

Nous sommes passés de l’économie de la production de masse (Ford, Taylor…), où les process sont clefs, à une économie de la connaissance au sein de laquelle l’intelligence de chacun prime. Le Taylorisme et les process sont très efficaces pour les tâches répétitives, mais pour stimuler l’intelligence, résoudre un problème… l’absence d’engagement tue. Il faut donc créer les conditions de cet engagement, créer de l’envie, de la rencontre, de la surprise… À ce titre, l’environnement physique est un levier de transformation. Pour Bridge d’Orange, par exemple, l’espace physique cherche à favoriser la coopération et la rencontre entre les collaborateurs.

Tout compte : les matériaux, les couleurs, les odeurs, l’ambiance sonore, les flux de déplacement, le mobilier… Il y a des « règles » universelles. Par exemple, le contact avec la nature crée du bien -être, les tables rondes dans une salle de créativité ou de réunion diminuent le risque conflictuel (versus des tables rectangulaires), etc. Les open spaces sont autant des machines à communiquer que des espaces d’interruption et de perte de concentration. Or, lorsque vous êtes interrompu pendant 30 secondes, il faut en moyenne 15 minutes pour réussir à retrouver votre niveau de concentration antérieur. Donc, si on prévoit d’installer des open spaces, il faut les coupler avec des salles qui permettent de s’isoler. Mais au-delà de ces règles universelles, il est fondamental d’observer les usages au sein d’une entreprise pour s’adapter à ses pratiques et ses objectifs.

Bien sûr, l’environnement physique ne fait pas tout. C’est très bien de mettre un babyfoot dans le hall d’entrée, mais il faut une « autorisation mentale », il faut que des chefs y jouent pour que les salariés se sentent autorisés à le faire. De la même façon, si vous mettez à disposition des cafétérias d’étage, c’est très bien, mais si votre manager vous dit après « encore en train de glander ? », même pour rire, ça ne fonctionne pas. C’est ça l’environnement psychologique.

Éric Singler, DG de BVA

Laurie Santos, Professeur à Yale, a démontré que c’est moins le salaire dans l’absolu qui importe (= combien on gagne), que la façon dont on se situe par rapport à ses amis et ses collègues. Une étude menée par le prix Nobel d’économie, Daniel Kahneman, et Angus Deaton, aux États-Unis, a conclu qu’au-delà de 75 000 dollars de revenu par an, la corrélation entre l’argent et le bonheur est faible. Car cette somme suffit à remplir la plupart des besoins (bien-être émotionnel, physique, loisirs). Au-delà, le gain est limité.

Éric Singler : « Le nudge modifie l’environnement pour influencer les comportements des salariés »