L’ancien président de la Cour d’Appel de Kaolack, Ousmane Kane, était l’invité de TFM ce mardi 8 juillet 2025. Dans un entretien-fleuve, le magistrat à la retraite a livré une analyse sans complaisance du système judiciaire sénégalais, pointant du doigt plusieurs dysfonctionnements majeurs.
Ousmane Kane s’est montré particulièrement critique envers la composition de la Haute Cour de Justice chargée de juger les anciens dignitaires du régime de Macky Sall. Le magistrat dénonce notamment la présence d’Alioune Ndao, ancien procureur de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), qu’il juge compromettante.
« La présence d’un ancien procureur qui a eu des démêlés absolument graves avec le régime passé peut être un élément défavorable au Sénégal si ce recours est effectivement déposé devant les instances internationales », a-t-il déclaré, faisant référence à la saisine de l’ONU par des avocats français et sénégalais.
Concernant l’inculpation de l’ancien garde des Sceaux Ismaël Madior Fall, Ousmane Kane a exprimé sa tristesse tout en pointant les erreurs de son ancien collègue. « Il a été particulièrement imprudent dans ce dossier, imprudent de se comporter avec cet individu et imprudent de prendre la parole », a-t-il analysé, rappelant le principe selon lequel « quand on prend, l’infraction est réalisée, quand on rend, on est dans le repentir ».
Le magistrat s’est également inquiété de la nouvelle loi organique permettant à l’Assemblée nationale de convoquer des magistrats. « Je crains que ces dispositions soient utilisées à des fins purement politiques », a-t-il averti, estimant que les magistrats bénéficient déjà d’un statut spécial qui règle les conditions de leur audition.
Ousmane Kane n’a pas épargné sa propre corporation, dénonçant le comportement de certains jeunes magistrats qui « insultent vraiment gravement les aînés » via des courriels internes. Cette situation l’a d’ailleurs poussé à démissionner de l’Union des magistrats du Sénégal (UMS).
Plus grave encore, le magistrat avoue avoir « perdu foi en la magistrature » après avoir été sanctionné en 2020 pour une conférence de presse qu’il avait pourtant organisée avec l’autorisation du ministre de la Justice de l’époque.
Sur la demande de réouverture du dossier de diffamation impliquant le Premier ministre Ousmane Sonko, Kane estime que sa position facilite les choses : « Quand un Premier ministre dit à son garde des Sceaux ‘voilà des faits nouveaux dans mon dossier’, c’est beaucoup plus facile que quand monsieur Dupont saisit le garde des Sceaux pour avoir une ouverture de son dossier. »
Dans une déclaration qui fera débat, Ousmane Kane a qualifié la présomption d’innocence de « fumisterie ». « Vous êtes innocent mais vous allez en prison et vous moisissez là-bas », a-t-il ironisé, pointant la contradiction entre ce principe et la réalité de la détention préventive.