L’histoire de l’humanité est fortement marquée par l’ethnocentrisme, d’où l’ambition de certaines races dites supérieures de s’inscrire dans une démarche de domination des autres races qu’elles se prennent pour des dominées. C’est aussi la genèse de l’esclavage dans le monde. L’Occident, pour affirmer l’expression d’inégalité des races et pour s’ enrichir, exploite, appauvrit et met en esclavage une bonne partie des pays du continent africain. Cette domination occidentale à partir de l’inégalité des races s’impose aussi dans les productions dites scientifiques, notamment avec l’essai d’Arthur de Gobineau « De l’inégalité des races humaines ».
Haïti face au racisme
Pour défendre et valoriser la race noire, des écrivains haïtiens, à travers leur plume, ont apporté une réponse à la pensée occidentale axée sur la ségrégation. Anténor Firmin pose le premier jalon de réflexions dès l’apparition de son ouvrage « De l’égalité des races humaines » en réponse à Arthur de Gobineau, et défend fièrement la race noire qui semble dépréciée. Nombreux sont les écrivains haïtiens du XIX siècle qui endossent cette cause. Hannibal Price avec « De la réhabilitation de la race noire par la République d’Haïti », Louis Joseph Janvier dans « La République d’Haïti et ses visiteurs » proposent des œuvres axées sur la valorisation de l’intelligentsia haïtienne de l’époque et tournent autour de l’éternelle question du mal social et politique haïtien.
La grande confiance des penseurs haïtiens de l’époque leur pousse à développer une subtile fierté d’appartenir à cette communauté d’Afro descendants. Hannibal Price, à travers son ouvrage « De la réhabilitation de la race noire par la République d’Haïti » a pu écrire: « Je suis d’Haïti, la Mecque, la Judée de la race noire, le pays où on doit aller en pèlerinage une fois dans sa vie, car c’est là que le nègre se fait homme ». Cette phrase de Hannibal Price ne défend pas une supériorité des Noirs dans le contexte du Blanc qui part du postulat d’une différence naturelle entre Blancs et Noirs, mais elle est de préférence une affirmation expliquant que le monde a définitivement quitté la barbarie pour se hisser vers la civilisation. Il ne fait aucun doute que le premier jalon de réflexions de la réhabilitation de la race noire humiliée a été posé par les élites intellectuelles d’Haïti.
Jean Price Mars dans « Ainsi parla l’oncle » est, pour bon nombre d’écrivains nègres, comme Leopold Sedar Senghor, un véritable précurseur de la Négritude. Cet ouvrage est considéré comme « Le manifeste de la condition noire » dans lequel l’auteur propose d’explorer les traditions, les légendes du vodou, grand héritage africain, ces éléments qui fondent les cultures noires. Il a fait sa plaidoirie et invité les intellectuels haïtiens à plonger dans l’Afrique et dans la culture ancestrale. À travers son ouvrage qui étudie les fondements à la fois historiques et folkloriques de la culture haïtienne. Il a affirmé que les Haïtiens ne sont pas des « Français colorés », mais des hommes nés en des conditions historiques déterminées et ayant un double héritage, français et africain. Il a suggéré aux penseurs de faire une rupture épistémologique et retourner de manière symbolique vers l’Afrique, notre Alma mater.
Feguerson THERMIDOR
Directeur Hafrique littéraire