L’économiste Amath Ndiaye, spécialisé en macroéconomie à la Faculté des sciences économiques et de gestion (Faseg) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a exprimé ses préoccupations concernant la gestion du dossier de la dette sénégalaise. Dans une interview accordée à TFM ce lundi 7 juillet, le professeur a particulièrement critiqué ce qu’il considère comme une remise en cause implicite du rapport de la Cour des comptes.
Pour Amath Ndiaye, le recours au cabinet international Mazars pour un nouvel audit de la dette constitue « une remise en cause du rapport de la Cour des comptes en quelque sorte ». L’économiste rappelle que « quand la Cour des comptes émet un avis, c’est même pas un avis, c’était un jugement. Quand la cour dit son rapport, pour moi ça, j’ai dit c’est la loi ».
L’invité de Chérif Diop souligne que cette situation était initialement acceptée par tous les acteurs, y compris le FMI qui « attendait la Cour des comptes » pour certifier les chiffres après le rapport gouvernemental. « Maintenant on attend un autre rapport, c’est vraiment… comment l’expliquez-vous ? », s’interroge-t-il.
Selon l’économiste, le Fonds monétaire international « doute de la fiabilité » des chiffres, même s’il ne remet pas explicitement en cause le rapport de la Cour des comptes. « Le directeur du département Afrique à Londres a dit que nous attendons toujours les chiffres exacts du Sénégal », rapporte Amath Ndiaye.
Cette situation place le Sénégal dans une position délicate, alors que le pays a besoin d’un accord avec le FMI pour obtenir des financements moins chers et rassurer les marchés financiers.
Au-delà des questions institutionnelles, l’économiste confirme que la situation d’endettement du Sénégal est « très préoccupante ». Avec 26% des recettes fiscales consacrées au paiement des intérêts de la dette, soit plus de 1000 milliards de francs CFA, le pays dépasse largement les normes du FMI fixées entre 20 et 22%.
« Imaginez un père de famille qui gagne 100.000 francs et 25.000 à 26.000 francs, il les consacre à payer des intérêts. Qu’est-ce qu’il va faire pour la nourriture, pour le reste ? C’est pareil pour l’État », illustre le professeur.
Un appel à l’urgence
Malgré cette situation complexe, Amath Ndiaye plaide pour une accélération du processus. Il déplore « la lenteur avec laquelle le FMI traite le dossier » et estime que l’institution financière internationale « doit faire preuve de tolérance et de compréhension ».
« Le FMI moralement n’a pas le droit de faire traîner la chose parce que le régime actuel n’est pas à 100% responsable », argumente-t-il, soulignant que l’actuel gouvernement « a hérité d’une situation inattendue ».
L’économiste suggère qu’un programme d’accord avec le FMI pourrait être mis en place « tout en essayant de rectifier les choses », sans attendre la finalisation de l’audit Mazars.
Tout en reconnaissant la nécessité de transparence réclamée par le nouveau régime, le professeur Ndiaye met en garde contre les délais que pourrait engendrer cette approche. « Prendre un arbitre international » permettra peut-être d’éviter « une lecture politique », mais « il faut aller vite » car « cela ne devrait pas être un obstacle pour démarrer un accord avec le FMI ».