L’audition de l’homme d’affaires Aziz Ndiaye et de son frère Massata, initialement prévue ce jeudi 27 mars 2025 devant le juge du 2e cabinet dans le cadre de l’instruction sur le détournement présumé d’une cargaison d’engrais estimée à 3,9 milliards de FCFA, a été reportée. Contrairement à une idée reçue, cette affaire ne s’inscrit pas dans la reddition des comptes initiée par le nouveau régime sénégalais. Il s’agit d’un litige privé opposant Ndèye Nancy Niang, directrice de la société Transcontinental Transit (TCT), à Rahul Chandra, un homme d’affaires turc. Arrêtée en mars 2022 pour association de malfaiteurs, contrebande, abus de confiance, escroquerie, vol, et faux et usage de faux en écritures privées de banque, Nancy Niang a impliqué plusieurs opérateurs économiques dans ce scandale. Seneweb revient sur les détails de cette nébuleuse.
Un contrat de 2020 à l’origine du litige
L’affaire remonte au 18 mars 2020, date à laquelle la société Re-Energy FZE, basée aux Émirats Arabes Unis et dirigée par Rahul Chandra, a signé un contrat avec Amine Group, une société sénégalaise basée à Dakar (78 Rue Moussé Diop), représentée par Ndèye Nancy Niang. Ce contrat portait sur la vente de 35 342,945 tonnes d’urée granulaire en provenance d’Oman, pour un montant de 6 151 586 778 FCFA, à livrer au Port Autonome de Dakar et payable au plus tard le 20 mars 2020. TCT, également représentée par Nancy Niang, a été désignée comme agent maritime et douanier par Amine Group.
Un an plus tard, un différend éclate. Selon une plainte déposée le 12 avril 2021 par Me Cheikh Ahmadou Ndiaye, avocat de Rahul Chandra, auprès du procureur de la République de Dakar, Nancy Niang aurait pris possession de la cargaison sans payer les frais au Port de Dakar, stockant les engrais dans ses entrepôts au Cices et à Rufisque. Elle aurait ensuite ignoré les rappels de paiement de Re-Energy et refusé de restituer la marchandise.
Des accords sous contrainte et des engagements non tenus
Pour éviter une escalade, Re-Energy signe un nouvel accord le 25 août 2020, cédant 28 000 tonnes à Nancy Niang, abandonnant 7 342,945 tonnes (soit une perte de 1 279 586 778 FCFA). Cet accord stipulait : la vente de 12 000 tonnes pour 2 146 000 000 FCFA au plus tard le 30 décembre 2020, et la cession de 1 600 tonnes à Stals Group avec paiement direct à Re-Energy. Mais Nancy Niang ne respecte pas ces termes. Après plusieurs relances, un autre contrat est signé le 26 janvier 2021 sous pression, autorisant TCT à vendre 10 000 tonnes pour 1,3 milliard FCFA, payable avant le 31 mars 2021. Là encore, aucun engagement n’est honoré.
Sur les 22 000 tonnes confiées (valant 3 446 000 000 FCFA), Nancy Niang ne reverse que 435 890 104 FCFA. De plus, 5 500 tonnes, équivalant à 957 millions FCFA, disparaissent sans explication. Malgré deux courriers (1er octobre et 28 octobre 2020) où elle confirme la livraison et promet un paiement sous une semaine, aucune suite n’est donnée. Des mises en demeure, datées des 27 novembre 2020 et 18 mars 2021, restent sans effet.
Nancy Niang accuse un collaborateur
Dans une réponse à Re-Energy, Nancy Niang attribue les pertes à des vols commis par Mamadou Lamine Ngom, présenté comme actionnaire d’Amine Group, bien que seule sa signature figure sur le contrat initial. Ngom, en fuite et poursuivi dans une autre affaire pour une dette d’un milliard FCFA, ne change rien à la responsabilité de Nancy Niang selon la plainte. En tant que gérante de TCT et d’Amine Group, elle avait la garde des marchandises et des entrepôts sous douane. Toute opération de vente ou de retrait nécessitait son aval.
Pour Re-Energy, ces faits relèvent d’un abus de confiance (article 383 du Code pénal). Après enquête de la Sûreté Urbaine de Dakar, Nancy Niang est déférée au parquet en mars 2022, inculpée et placée sous mandat de dépôt par le juge du 2e cabinet, qui ouvre une information judiciaire.