Ancien pilier de la défense des Lions de la Téranga, Souleymane Diawara s’est reconverti dans la collecte des ordures après une carrière professionnelle riche de onze trophées, dont deux titres de champion de France avec Bordeaux et Marseille. Dans cet entretien sans langue de bois, il revient sur son parcours, sa nouvelle activité, et livre une analyse lucide sur la gestion du football sénégalais par la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) ainsi que sur la génération Sadio Mané.
Depuis votre retraite en tant que footballeur, on vous voit peu. On dirait que vous avez pris du recul dans ce milieu sportif ?
Tout se passe bien pour moi. C’est vrai que je donne rarement des interviews, mais je suis toujours attentif au football sénégalais, même si je ne suis pas impliqué directement. Je me suis un peu éloigné des terrains, c’est exact, mais ça va. Je suis souvent entre l’Afrique et la France. Actuellement, je me consacre à un projet différent : je travaille dans la collecte des ordures, une initiative visant à développer et améliorer le pays en trouvant des solutions concrètes.
Concrètement, quelles sont vos activités ?
J’essaie de développer le secteur de la collecte d’ordures. Je suis en pourparlers avec les autorités et des partenaires. Il reste quelques détails à régler dans ce domaine, notamment sur la collecte, le tri, etc. C’est mon projet, et je le présenterai en détail au moment opportun. Je m’intéresse beaucoup à l’environnement. Pour l’instant, ce projet sera basé au Sénégal, mais avec l’accord des différents gouvernements, j’envisage de l’étendre à d’autres pays. Tout le monde sait que les ordures constituent un problème majeur.
Qu’est-ce qui vous a poussé vers ce secteur d’activité ?
L’idée m’est venue en 2006, alors que j’étais en sélection avec l’équipe nationale du Sénégal. À Dakar, lors d’un quartier libre avec Ibrahima Tall, nous avons remarqué les problèmes d’ordures dans la capitale. Cela nous a inspirés à créer la première société de collecte des ordures. Cette entreprise a fonctionné de 2006 à 2013, mais nous avons rencontré des difficultés par la suite. Aujourd’hui, nous travaillons à relancer ce projet, et les avancées sont prometteuses. Quand je l’avais lancé, j’étais encore footballeur, avec peu de temps. Maintenant, ma retraite me permet de m’y investir pleinement.
Beaucoup de joueurs de votre génération ont fait leur reconversion en tant que consultants ou coachs. Pourquoi, de votre côté, avez-vous choisi de vous éloigner du football ?
La plupart des joueurs sont restés dans le milieu du football pour leur reconversion, mais moi, j’ai toujours dit que, quand j’arrêterais, je ferais une parenthèse dans le sport, ayant déjà été impliqué dans une société de collecte d’ordures. C’était une passion, mais je n’avais pas le temps d’y consacrer pleinement à cause de ma carrière. Depuis que j’ai arrêté le football, je me suis tourné vers l’environnement, un secteur qui me plaît davantage. Cela dit, je reste attentif à l’actualité sénégalaise, notamment à l’équipe nationale.
Certains internationaux, qui se sont lancés dans les affaires, ont eu des problèmes avec des collaborateurs. Avez-vous évalué ces facteurs bloquants ?
Chacun est libre de faire ce qu’il veut. Moi, ce qui m’importe, c’est ma personne et ma famille. Ce que les autres ont fait ne me regarde pas, et je ne cherche pas à en savoir plus. Mon projet est bien structuré pour éviter ce genre de problèmes. Il demande beaucoup de moyens, mais je suis sur la bonne voie et satisfait des progrès réalisés.
Avec le recul, comment voyez-vous l’équipe nationale du Sénégal, sacrée en 2022, mais qui n’a pas confirmé cette performance en Côte d’Ivoire ?
On assiste à l’émergence d’une nouvelle génération, sans doute la meilleure que le Sénégal ait connue. Elle a remporté une CAN et disputé deux finales, en plus de deux participations en Coupe du monde. La génération de 2002 nous a marqués avec sa qualification historique, mais elle n’a pas remporté de trophée. Le football, c’est avant tout les résultats. Je suis très fier de la CAN remportée au Cameroun en 2022. Cependant, confirmer un titre est toujours plus difficile. Après une victoire, les attentes sont encore plus grandes, et le Sénégal, ayant marqué les esprits, est deux fois plus attendu. Les adversaires sont ultra-motivés contre nous. C’est comme ça dans le football : la France, championne du monde en 1998, a été éliminée au premier tour en 2002. Cette équipe reste l’une des meilleures que le Sénégal ait eues.
Mais depuis lors, le Sénégal a des difficultés face à des équipes jugées plus faibles. N’assiste-t-on pas à une fin de cycle ?
Le football suit des cycles. Comme je l’ai dit, 2002 a marqué la fin d’un cycle. Là, nous avons eu une belle génération, mais les années passent, les joueurs vieillissent, et c’est tout à fait normal que cela soit la fin d’un cycle. Pour certains, ce sera peut-être leur dernière CAN ou leur dernière sélection. C’est la vie d’un footballeur. Cette génération a brillé dans toutes les catégories lors des dernières grandes compétitions.
Pensez-vous que cette équipe a le potentiel pour reconquérir la CAN au Maroc ?
Oui, nous avons une équipe de qualité. Un échec à la dernière CAN ne signifie pas que c’est fini ou que l’équipe est trop vieille, comme certains l’ont dit ou écrit. Cette équipe a les qualités pour aller au bout.
Mais en face, il y a des adversaires très coriaces comme le pays hôte et le champion en titre…
Comme l’a dit Mbappé, le football a changé. Il y a de plus en plus de petites nations compétitives. Mais quand on joue contre le Sénégal, les adversaires sont encore plus motivés. C’est comme si on affrontait le Brésil – j’exagère un peu, mais vous voyez l’idée. C’est difficile, mais notre équipe a les qualités pour triompher.
Une équipe nationale, c’est aussi une gestion. En tant qu’ancien international, quelle analyse faites-vous du travail de la FSF, dirigée par Augustin Senghor, qui pourrait être candidat à sa propre succession lors de la prochaine assemblée générale ?
Augustin Senghor a réalisé un excellent travail, et personne ne peut le nier, avec des victoires dans toutes les catégories. Cependant, je ne suis pas impliqué dans la gestion, donc je ne peux pas trop m’étendre là-dessus. Après tant d’années à la tête de la FSF, il semble à bout de souffle – ce n’est pas facile de rester au sommet. D’autres candidats se présentent, et j’ai eu la chance d’échanger avec l’un d’eux, Me Moustapha Kamara. Il a une vision du football très intéressante, avec un programme qui m’a beaucoup touché. Je sais qu’il a consulté plusieurs internationaux. Je ne critique pas Senghor – il a fait du bon travail –, mais je pense que le football sénégalais doit gagner en reconnaissance internationale. Senghor a une mentalité très africaine et est resté centré sur le continent. Il faut s’ouvrir davantage. Kamara, avec sa capacité à consulter les anciens footballeurs pour améliorer le football, pourrait apporter un renouveau. Ce n’est pas donné à tout le monde.
Et pourquoi les anciens internationaux ne sont pas souvent consultés ?
Pour améliorer les choses, il faut être au cœur du système. Consulter d’anciens joueurs dérange beaucoup de dirigeants. Il y en a trop qui ne servent à rien, si ce n’est à venir prendre l’argent. Un ancien footballeur, lui, n’a pas cette mentalité. On pourrait me dire : « Oui, mais toi, tu gagnais bien ta vie », ou « Tu défendais les couleurs de ton pays ». Il faut arrêter avec ces zones négatives qui perturbent le football. Certains joueurs locaux ont besoin de cet argent, et ça affecte leur concentration. Dans ces conditions, consulter les anciens dérange les dirigeants.
Est-ce que les anciens joueurs ne devraient pas aller vers la gestion du football, plutôt que d’attendre d’être consultés ?
Je suis toujours ouvert à la discussion. Si je peux aider le football sénégalais à s’améliorer, je m’investirai à 200%. Ce n’est pas à moi de l’imposer, mais l’approche de Me Kamara m’a touché, car il m’a consulté pour savoir comment faire évoluer le football. Je le soutiens à 200 %. Il a des idées, des valeurs, et avec des hommes comme lui, on peut faire progresser le football sénégalais.
Par Seneweb