Le secteur aérien représente près de 2,5% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Mais les autres gaz et polluants émis par les avions font que le secteur contribuerait plutôt à hauteur de 4% au réchauffement climatique. Face à cela, le secteur aérien s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Mais le développement des filières industrielles est trop lent et cet objectif semble de plus en plus difficile à atteindre.
Il ne reste « que » 25 ans pour atteindre l’objectif. Cela paraît loin, mais à l’échelle des investissements industriels, c’est relativement court. Au salon aéronautique et spatial du Bourget, qui se tient près de Paris jusqu’au 22 juin, même si l’actualité de la défense passe au premier plan, le secteur met tout de même en avant des innovations dans le domaine. Dans le ciel, entre le dernier Airbus et les pirouettes des avions de chasse, on pouvait observer ce mardi un avion électrique. Un modèle cependant encore bien trop petit (quelques places) pour changer la donne.
De nouvelles formes d’avion pour économiser du carburant
Plus conséquent, du côté des pavillons américains, le tout jeune constructeur états-unien JetZero a annoncé un investissement de 4,7 milliards de dollars pour faire sortir de terre en Caroline du Nord une usine qui fabriquera un nouvel avion en forme de triangle isocèle (qui, visuellement, ressemblera un peu plus à un avion de chasse). « Grâce à une plus grande efficacité aérodynamique, il consommera jusqu’à 50% de carburant en moins » assure le patron et co-fondateur de JetZero, Tom O’Leary.
La construction de l’usine doit commencer l’an prochain. À terme, l’entreprise prévoit de créer jusqu’à 14 500 emplois sur place pour des avions de près de 250 sièges, qui pourront effectuer des trajets jusqu’à 9 000 kilomètres. « Le premier prototype doit voler en 2027. Ensuite, nous prévoyons d’achever la phase de tests et de certification en vol [étapes indispensables pour pouvoir commercialiser les appareils] au début des années 2030 », précise encore Tom O’Leary.
Remplacer (en partie) le kérosène
Même si cette nouvelle forme d’avions parvient à se développer, s’additionnant à d’autres initiatives (une meilleure gestion des trajectoires et du trafic aérien par exemple), cela ne suffirait pas à réduire suffisamment la contribution du secteur aérien au réchauffement de la planète. Il sera également indispensable de passer par des alternatives au kérosène.
L’hydrogène fait partie des solutions envisagées, car s’il est fabriqué à partir d’électricité issue d’énergies renouvelables, il est bien moins émetteur de CO2. Mais cela implique de développer une nouvelle filière de production, de stockage, et des nouveaux moteurs. Or Airbus a annoncé un peu plus tôt cette année que son projet d’avion à hydrogène, prévu au départ pour 2035, n’allait pas voir le jour avant 2040 au mieux. Parmi les raisons à ce report : la filière industrielle ne suit pas, et donc la production d’hydrogène non plus.
Les carburants aériens « durables » à la peine
Face à l’hydrogène, l’alternative des carburants aériens dits « durables » est plus avancée. « Aujourd’hui, c’est le principal levier de décarbonation du secteur aérien, car ces carburants peuvent être directement utilisables dans les moteurs et aéronefs existants, sans aucune modification » technique, explique Antonio Pires da Cruz, de l’IFPEN (IFP énergies nouvelles), un institut français de recherche qui travaille en relation étroite avec l’industrie. Ces carburants sont fabriqués à partir de déchets végétaux, d’huiles usagées, ou encore de déchets de bois… Dans l’Union européenne, depuis cette année, ils doivent représenter 2% du carburant des avions, puis 6% à partir de 2030 et 70% d’ici 2050. Mais là non plus, les usines ne sont pas encore (suffisamment) au rendez-vous. « La technologie est mature, mais la filière industrielle ne l’est pas », précise Antonio Pires Da Cruz. Le coût de ces carburants reste aussi plus élevé que celui du kérosène, en particulier en Europe, ce qui est un frein supplémentaire au développement d’une filière de taille suffisante.
Une décarbonation plus chère et de plus en plus difficile à atteindre
En plus de la lenteur du développement des carburants alternatifs, le trafic aérien continue d’augmenter, alors qu’il faudrait qu’il diminue. Il pourrait doubler en nombre de passagers d’ici 2050 par rapport à 2019 pointe l’ONG Transports et Environnement, pour qui le secteur aérien va épuiser son budget carbone dès… 2026. Enfin, la transition, si elle est réalisée à temps, coûtera plus cher que prévu. En février, le secteur aérien (industriels, compagnies, aéroports…) a revu ses estimations à la hausse : elle coûterait 2400 milliards d’euros en tout d’ici 2050. Soit davantage que le PIB de l’Italie. Une hausse de 27% par rapport au chiffrage précédent, qui datait seulement de 2021.
RFI