LA CHUTE D’OLIVIER LE MAGNIFIQUE, DEVENU « LE MALEFIQUE »

L’homme était toujours tiré à quatre épingles comme il sied à un professeur agrégé de droit public, politologue renommé et président de la Fondation des sciences politiques. Il me faisait penser au personnage de F. Scott Fitzgerald, « Gatzby le magnifique », en raison de la conception platonicienne qu’il avait de lui.

Hier encore Olivier Duhamel * présidait à la bonne marche du très sélect et élitiste club « Le Siècle » qui accueille en son sein les hauts fonctionnaires et les grands dirigeants d’entreprise et des médias. C’est dire que la chute de son piédestal, aussi haut que l’était sa chaire à l’université, est violente et au-delà de lui c’est toute une partie de l’intelligentsia de gauche, et aussi cette « gauche caviar », qui est ébranlée par la révélation de ce qui relevait jusque-là de l’omerta.

Comme ont été tout aussi violents ses rapports incestueux, voire de viol sur mineur, avec son beau-fils, l’un des enfants de Bernard Kouchner. Le voile très pudique qui entourait son comportement coupable et répréhensible vient d’être levé grâce au livre qu’a publié Camille Kouchner concernant son frère jumeau « La familia grande ». Après des décennies de silence.

Qu’un intellectuel soit impliqué dans une affaire de mœurs, y compris de pédophilie, n’est pas nouveau en soi, ce qui l’est davantage c’est le profil de son auteur. Un profil qui nous ramène à Mai 68 lorsque Guevara et avec lui Sartre, Sollers, mais aussi le philosophe Lacan prêchaient « qu’il fallait vivre sans temps mort et jouir sans entraves » fort du slogan à la mode à l’époque « Il est interdit d’interdire ». Car au-delà du célèbre cri appelant à la révolte estudiantine « Ce n’est qu’un début, poursuivons le combat », des pavés lancés sur les CRS par des gauchistes à la mode Cohn-Bendit  Sauvageot, et autres Geismar,  rue Gay-Lussac et Boulevard Saint-Michel, de leur revendication à vouloir vivre la mixité dans les cités universitaires, on voyait aussi fleurir sur les murs en ce printemps 1968 des appels à la libération sexuelle.

En ce temps-là, la France vivait un tabou : pas de relations sexuelles avant le mariage, sans contraception car la loi Neuwirth nouvellement votée n’était pas encore appliquée et on découvrait le préservatif à un moment ou le sida n’avait pas encore fait son apparition. Partout de beaux esprits prônaient « l’amour libre » à une jeunesse qui lisait Hara-Kiri et écourtait Salut les copains sur Europe 1, une maxime qui allait entraîner un tourbillon d’abus au point qu’on disait « on aurait dit des enfants lâchés dans une pâtisserie ». La sexualité visait alors à s’affranchir des valeurs bourgeoises et était portée aux nues au point de conduire quelques années plus tard aux pires scandales comme l’a démontré l’affaire Matzneff. C’était l’époque où s’éveillait une conscience féministe sous l’impulsion de Simone de Beauvoir, auteur du livre « Le Deuxième sexe » et compagne de Jean-Paul Sartre, une conscience qui préfigurait ce que serait des années après le mouvement MeToo.

Pour toutes ces personnalités bien pensantes de gauche, la droite était considérée comme ringarde sur ces questions de mœurs, archaïque et coincée. Et ces mêmes grandes figures, à l’image d’Olivier Duhamel, forts de ces théories de la « libération sexuelle » n’hésitaient pas, l’été venu, à forniquer dans des villas au bord de la Riviera sans faire de distinction entre eux qui étaient mineurs et ceux qui ne l’étaient pas. A quoi bon, « c’était pour le bien de leur éducation ». Le plus terrible de tout cela c’est d’apprendre aujourd’hui que l’épouse d’alors de Duhamel, Evelyne Pisier (sœur de l’actrice Marie-France Pisier, qui fut maîtresse de Cohn-Bendit) et première épouse de Bernard Kouchner, semble non seulement avoir eu connaissance des « attouchements graveleux » de son mari avec son fils, mais n’avoir rien fait pour y mettre un terme. Allant même jusqu’à l’excuser, lui trouver des circonstances atténuantes. Femme avant d’être mère ! Une femme qui jusque-là pouvait pourtant se vanter d’avoir été une des premières profs agrégées de droit public. Et accessoirement maîtresse de Fidel Castro. Triste et honteuse déchéance !

Dans cette histoire – entre juristes de haut vol – on serait presque tenté de citer la phrase de Mitterand parlant de Robert Badinter et de Roland Dumas « J’ai deux avocats, le premier pour le droit et le second pour le tordu ».

Voici donc ce gratin de gauche, donneur de leçon par excellence, aujourd’hui bien empêtré par le scandale que touche Olivier Duhamel. Un scandale mis au jour par sa propre belle-fille qui a eu le courage de parler pour son frère, (tous deux aujourd’hui entendus par la justice) et révéler à la face du monde le comportement odieux de celui qui était jusque-là encensé par le milieu parisien.

Ce scandale nous apprend jusqu’où peuvent conduire certaines dérives. N’allait-on pas en 1968 jusqu’à prétendre que « l’esclavage sexuel était l’expérience absolue de l’émancipation » tandis qu’on magnifiait des films comme Histoire d’O ou Le dernier tango à Paris. Etre jeune à l’époque c’était trouver « vachement chouette et sympa » Les Valseuses de Bertrand Blier qui rendait romanesque le viol.

L’affaire Olivier Duhamel nous rappelle que cette horrible et révoltante histoire d’inceste-viol n’aurait peut-être pas existé sans cette injonction hédoniste de mai 68 à laquelle il a succombé tel le chant des sirènes. Celle-ci l’aura finalement entraîné jusque dans les abysses.

Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono

  • A ne pas confondre avec Patrick et Patrice Duhamel qui ne sont pas de la famille d’Olivier Duhamel. Il ne s’agit en l’occurrence que d’une homonymie.