La Haute cour militaire de Kinshasa a condamné, mardi 30 septembre, l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, à la peine de mort. Elle l’a reconnu coupable de trahison et de participation à un mouvement insurrectionnel, le qualifiant de « chef de la coalition armée AFC/M23 ». Une décision inédite dans l’histoire politique congolaise.
Depuis plusieurs mois, l’AFC/M23 prend part à des pourparlers de paix au Qatar. L’annonce du procès de Joseph Kabila avait déjà suscité des inquiétudes dans les rangs du mouvement, qui avait averti la médiation de Doha que ce verdict risquait d’altérer le climat de confiance. La condamnation à mort de l’ex-président n’a fait que renforcer cette position. « Corneille Nangaa et Joseph Kabila ont vu [Félix] Tshisekedi quand il n’était rien. Aujourd’hui, il veut les écraser », a déclaré un cadre du mouvement à RFI.
Bertrand Bisimwa, coordonnateur adjoint de l’AFC/M23, est allé plus loin : selon lui, cette « condamnation à mort de Joseph Kabila » viole directement la Déclaration des principes de Doha.
Il affirme que la question sera abordée « sur la table des négociations » et considère que ce verdict reflète la même logique que les combats en cours sur le terrain militaire. Résultat, dit-il, « la confiance s’effrite ». Et il insiste : « L’AFC/M23 ne s’est jamais trompé sur l’homme d’en face et sur son jeu. »
« Une décision politique », estime le PPRD
Du côté du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), les soutiens de Joseph Kabila dénoncent une « décision politique ». « Il reste un acteur politique majeur et incontournable pour l’avenir de la RDC », a affirmé Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire permanent du parti.
L’entourage de l’ancien président renvoie à une déclaration faite il y a quatre mois. « Militaire, j’ai juré de défendre jusqu’au sacrifice suprême. Hier au pouvoir, aujourd’hui en dehors du pouvoir, je demeure plus que jamais fidèle à ce serment », avait déclaré Joseph Kabila.
À travers ces mots, il affirmait être « appelé par le destin » et se disait investi d’un devoir : celui d’œuvrer pour la paix et de contribuer à la reconstruction d’un pays en crise.
Joseph Kabila entretient ses réseaux étrangers
Aujourd’hui en exil, Joseph Kabila continue d’entretenir ses réseaux à l’étranger. Il multiplie les déplacements, particulièrement en Afrique de l’Est et australe, où il recherche le soutien de plusieurs chefs d’État.
Conscient de l’affaiblissement de son parti au pays – le PPRD a été suspendu, et ses dirigeants restés sur place vivent sous surveillance -, l’ancien président mise sur ses relais extérieurs. Il développe des représentations à l’étranger, s’appuie sur des collaborateurs exilés et sur une jeune génération de militants, dont certains ont également quitté la RDC.
Au sein de son cercle rapproché, les déclarations sont plus tranchées. « Le peuple doit se prendre en charge et enclencher la machine pour plaquer le tyran au sol, mettre fin à la guerre, relancer la reconstruction du pays et stabiliser la région des Grands Lacs », a affirmé à RFI Patient Sayiba, proche collaborateur de l’ancien chef de l’État. Exilé, il faisait partie de ceux qui avaient accompagné Kabila à Goma et Bukavu en mai 2025.
« Ne plus jamais laisser la dictature s’installer au Congo »
« Et pourquoi attendre les élections de 2028 ? », s’interroge-t-il. « Quel sens auraient-elles si le peuple continue de croupir dans une misère déshumanisante sous le joug de la tyrannie ? Un scrutin organisé par un tyran, avec une CENI caporalisée et une justice instrumentalisée » serait vidé de tout sens.
Quant à la possibilité d’une lutte armée, Patient Sayiba n’exclut rien : « Tout en demeurant dans le cadre de l’application de l’article 64 de la Constitution, aucune option n’est à exclure. Depuis Sun City [accord signé en avril 2002 ayant pour but de mettre fin à plus de quatre ans de conflit et dix-neuf mois de négociations, NDLR], les Congolais avaient levé l’option de ne plus jamais laisser la dictature s’installer au Congo. Nous devons donc défendre le consensus de Sun City et le président Kabila va certainement jouer sa partition comme architecte de ce Pacte républicain. »
Pour ses soutiens, Joseph Kabila demeure une figure centrale, capable de rassembler l’opposition et de peser sur l’avenir politique du pays.