Dans une époque marquée par le retour en force des religions, des idéologies dures et du fanatisme, on doit plus que jamais se demander s’il faut tolérer l’intolérance.

Il y aurait deux visions opposées de la tolérance, qui s’expriment à travers ces deux citations :

  • « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire » (cette citation est souvent attribuée à Voltaire bien qu’il ne l’ait jamais écrite),
  • « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté » (Louis-Antoine de Saint-Just, révolutionnaire).

Dans le premier cas, on devrait tout laisser dire, tout tolérer, sans réserve. Mais un obstacle se dresse : si on tolère tout, cela veut dire qu’on doit aussi tolérer les intolérants. Le risque est alors de voir triompher l’intolérance et disparaître la tolérance : j’aboutis à l’inverse de ce que je voulais défendre.

Dans le second cas, on ne devrait tolérer que ce qui ne remet pas en cause la liberté. Cela semble plus logique. Mais c’est un terrain glissant : en ne tolérant que certaines idées, je risque de devenir moi-même intolérant. C’est d’ailleurs ce dont a été accusé Saint-Just, qui a fini guillotiné !

Si fixer des limites à la tolérance semble légitime, encore faut-il savoir définir la tolérance pour savoir où elle doit s’arrêter…

La tolérance : qu’est-ce que c’est ?

Lire aussi notre article : La tolérance, définition philosophique.

La tolérance, loin d’être une faiblesse, est la condition du vivre-ensemble : elle m’amène à reconnaître l’autre dans ses différences.

Elle est la reconnaissance qu’une part de la vérité m’échappe : je dois rester humble et ouvert aux autres, je dois essayer de connaître les raisons qui sous-tendent leurs idées et comportements, car chacun a de bonnes raisons d’agir comme il agit et de penser ce qu’il pense.

Ainsi la tolérance me met sur le chemin de la vérité : la différence de l’autre m’éclaire, m’enrichit, me tire de mon ego et de mes illusions. Elle me fait grandir.

Encore faut-il que j’aie la ferme intention de comprendre les autres et de me comprendre moi-même, en prenant du recul sur mes déterminismes, ma culture, mes prédispositions génétiques, ma psychologie… autant d’éléments qui peuvent expliquer ma tendance à juger trop vite.

Ainsi la tolérance passe par la connaissance de soiet des autres ; elle est une première étape sur le chemin de l’amour et de la liberté. En effet, je ne pourrai être aimé des autres que si je les tolère et les aime. Je ne pourrai être libre que si je tolère la liberté des autres.

Le paradoxe de la tolérance.

Parler de tolérance, c’est évoquer un paradoxe : la tolérance sans limite promeut l’intolérance. Car si je vais jusqu’à tolérer l’intolérance, je me condamne à me soumettre aux ennemis de la liberté, moi, mes proches et mes enfants. C’est une faiblesse, une lâcheté.

Faut-il tolérer l’intolérance : jusqu’où tolérer ?

Jusqu’où peut-on être tolérant ? Pour répondre à cette question, il convient d’aborder les causes et la nature de l’intolérance.

D’où vient l’intolérance et comment la combattre ?

Les idées et les comportements intolérants ont toujours existé. Mais on remarque qu’ils se multiplient lorsque la cohésion de la société recule : moins de solidarité, moins de civisme, moins d’éducation, plus de communautarisme. Cela pointe notre responsabilité collective dans le fait que l’intolérance existe et progresse. L’intolérance se développe précisément parce que nous lui laissons la place de se développer.

Ainsi, la meilleure manière de combattre l’intolérance est de s’attaquer à ses causes, plutôt que de s’attaquer aux intolérants eux-mêmes. Car en s’attaquant aux intolérants, on risque d’être accusé d’intolérance et d’alimenter le conflit !

Plutôt que de combattre frontalement l’intolérance, il faudrait donc faire grandir la tolérance, de la même manière que pour réduire les ténèbres, il suffit d’augmenter la source de lumière.

Il ne s’agit pas d’accepter les idées intolérantes, mais de les accueillir avec bienveillance pour au final, les transformer et les dissoudre.

Tolérance et intolérance : une question à traiter collectivement.

Où commence l’intolérance ? Je ne peux pas, à moi seul, définir les limites de la tolérance. Il n’est pas facile de distinguer la limite entre le tolérable et l’intolérable, sans compter que le risque d’erreur est grand, et les conséquences potentiellement explosives.

Sortir du paradoxe de la tolérance ne peut se faire qu’au niveau collectif, par la discussion et la prise de décision politique. Ainsi des règles légitimes et partagées viendront poser des limites à la tolérance et à l’intolérance.

Que faire face à un comportement intolérant ?

  • Etre vigilant, prévenir plutôt que combattre, notamment par l’éducation,
  • Ecouter,
  • Aider, assister, accompagner,
  • Provoquer le questionnement plutôt que d’opposer des points de vue,
  • Demander la réciprocité, la reconnaissance mutuelle,
  • etc.

Ainsi la tolérance s’incarne, se transmet, se cultive.

En conclusion.

En conclusion, être tolérant, ça n’est pas tout tolérer : la tolérance a des limites.

Mais un raisonnement trop abrupt aboutirait à nier la part de relativité de la tolérance, c’est-à-dire la part de vérité et l’histoire de chacun. Seul un débat démocratique doublé d’un processus de décision éclairé pourra fixer des limites légitimes aux idées et aux actes. Et la loi sera là pour les rappeler : la laïcitéest à ce titre un exemple parlant.

La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Ainsi les lois doivent fixer le périmètre de ce qui est tolérable ou non.

Mais cette vision juridique et statique doit être complétée d’une vision sociale et dynamique : plutôt que de combattre l’intolérance par la répression légale (qui peut être vue comme une forme d’intolérance…), je dois incarner la tolérance au quotidien et tenter de la faire grandir au maximum.

Une société démocratique, fraternelle et soudée sera le meilleur remède contre l’intolérance. L’attention et l’assistance portée aux autres détruira l’intolérance.

Lire aussi notre article : La différence entre libre arbitre et liberté.

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