«La prostitution clandestine et légale sont des vectrices de la covid19. Le polyamour ou la multitude d’amants ou d’amantes ( mbaran) sont aussi concernées. Il est des comportements qu’il faut surveiller et stopper pour endiguer la propagation du virus. Dans nos pays le secret ou le silence malsain nous plombe et nous sommes toujours surpris de ce qui nous arrive alors qu’on savait. Rigueur pour rigueur, il faut oser aborder les sujets, difficiles et sensibles. Les soirées clandestines, les bars loufoques, attention. Si vous ne vous protégez pas évitez d’emmener le virus chez vous; ce serait irresponsable P B CISSOKO
Les maisons closes, qui ont repris leur activité depuis le déconfinement, sont désormais dans le collimateur des autorités.
Une prostituée travaille dans son appartement, à Madrid, le 28 avril, alors que la capitale espagnole se trouve confinée à cause du coronavirus. OSCAR DEL POZO / AFP
Il y a eu quatre cas près d’Alicante fin juillet. Puis douze, début août, dans la petite localité d’Alcazar de San Juan, au fin fond de la Castille. Des contaminations dues au Covid-19 dans un milieu qui dévoile rarement ses secrets, celui de la prostitution. Cela s’est produit dans des hôtels de passe, en théorie interdits mais largement tolérés, surtout sur les grands axes routiers. Depuis le déconfinement, fin juin, les maisons closes en Espagne ont repris leur activité comme si de rien n’était, à peine cachées derrière les enseignes lumineuses de bars, de discothèques ou d’hôtels.
« Les cas recensés [qui concernent des prostituées] en cachent bien d’autres, mais ils sont très difficiles à repérer puisque les clients ne vont pas avouer qu’ils ont attrapé le Covid dans un bordel », raconte Idoia Ugarte, infirmière et porte-parole de Médecins du monde dans la région de Castille-la Manche. Maintenant que l’Espagne essaie de restreindre sa vie nocturne pour endiguer la résurgence du coronavirus – depuis le 14 août, les discothèques, les bars de nuit et les salles de danse sont fermés −, les maisons closes sont dans le collimateur des autorités.
Cinq régions sur dix-sept ont ordonné la fermeture de ces établissements : le Pays basque, l’Estrémadure, Murcie, la Catalogne, avec ses macrobordels dans la ville frontalière de La Jonquera, et surtout Castille-la Manche, à mi-chemin entre Madrid et l’Andalousie, qui, selon les chiffres de l’Institut de la femme du gouvernement espagnol, concentre 80 % des quelque 1 200 « puticlubs » du pays.
« La prostitution s’est déplacée dans les banlieues »
De son côté, Irène Montero, la ministre espagnole de l’égalité, a demandé aux autres communautés autonomes de fermer ces clubs à hôtesses afin d’« endiguer la pandémie » et surtout de lutter contre ce genre de commerce. Pas si facile car ici la prostitution est tolérée (alors que l’exploitation sexuelle et le proxénétisme sont illégaux). Il y aurait environ 100 000 « professionnelles » qui exerceraient leur activité, essentiellement dans des appartements privés.
« Il ne suffit pas de fermer les lieux de prostitution car les proxénètes trouvent toujours le moyen de détourner les règles, il faut des mesures qui prennent en compte tous les aspects du problème », s’indigne Rocio Mora, directrice de l’Association pour la prévention, la réinsertion et l’aide à la femme prostituée.
La pandémie a fragilisé la situation, déjà précaire, de ce collectif. Pendant le confinement, nombre de prostituées ont été contraintes de travailler dans une plus grande clandestinité. « Les mafias ont continué d’opérer. Dans les villes, la prostitution s’est déplacée dans les banlieues où il y avait moins de contrôles », ajoute Mme Mora. « C’est triste. Il a fallu une pandémie pour que l’on parle à nouveau du sort de ces femmes », constate Idoia Ugarte, « et on ne l’a fait que lorsqu’on a considéré que cela pourrait être un danger pour les hommes ».
Isabelle Piquer(Madrid, correspondance) lemonde.fr