Dénoncer, promettre, emprisonner n’est pas gouverner (par Thierno Bocoum)

L’agence S&P vient d’abaisser la note souveraine du Sénégal à B-aggravant encore la défiance des partenaires face à notre trajectoire budgétaire.

Le gouvernement à travers le ministère des finances et du budget a tenté de calmer les esprits par un communiqué qui, loin de convaincre, confirme l’essentiel. Après avoir révélé lui-même des falsifications qui auraient été opérées par le régime précédent, il se montre incapable d’en livrer aujourd’hui une évaluation consolidée, transparente et cohérente.

Ce pouvoir a fait une révélation sur les fiances publiques qui n’a été suivie d’aucun dispositif solide pour fiabiliser les chiffres ni d’un mécanisme institutionnel autonome capable de livrer au FMI une lecture rigoureuse de la situation.

Aujourd’hui, ce sont des consultants étrangers qui doivent dire au Sénégal ce qu’il a réellement dans ses comptes. Le Conseil d’administration du FMI attend, les bailleurs suspendent. Le pays patiente, sans visibilité, sans tableau de bord.

Les faits sont là. En moins de six mois, deux agences internationales ont sanctionné l’incapacité de l’État à présenter une situation crédible. En février 2025, Moody’s a dégradé la note du Sénégal de B1 à B3, après les révélations de la Cour des comptes. Puis S&P vient d’abaisser la note à B-.

Les deux ont placé le pays sous perspective négative, traduisant une perte de confiance généralisée. Ces dégradations ne sont pas symboliques. Elles renchérissent l’endettement, restreignent l’accès aux financements internationaux, ralentissent l’investissement et fragilisent l’économie réelle. C’est le prix de l’improvisation budgétaire.

Pendant ce temps, les promesses se multiplient : rebasing du PIB à venir, stratégie de financement en préparation, relance de la coopération en cours mais les résultats, eux, se font attendre. Le pouvoir d’achat chute, l’investissement public stagne, les recettes issues du pétrole ou de la fiscalité accrue n’ont produit aucun effet tangible. L’économie s’enfonce et le régime s’abrite derrière l’héritage pour masquer sa propre vacuité.

Et lorsque le discours s’effondre, l’intimidation prend le relais. Ces dernières semaines, les arrestations pour délit d’opinion se sont multipliées. Le cas de Badara Gadiaga en est la preuve la plus récente. Son crime c’est d’avoir mis en doute l’efficacité de ceux qui prétendent incarner la rupture. Il ne s’agit pas là d’un fait isolé : chroniqueurs, journalistes, citoyens engagés deviennent des cibles dès lors qu’ils questionnent.

Le pouvoir cherche à briser les voix discordantes, pensant faire baisser la pression. Mais briser le thermomètre n’a jamais arrêté la fièvre. On peut enfermer des hommes mais pas des faits. On peut taire des vérités mais pas en faire disparaître les conséquences.

Nous sommes face à un régime qui dénonce ce qu’il ne maîtrise pas, promet ce qu’il ne planifie pas et réprime ce qu’il ne comprend pas.

Le peuple sénégalais ne s’est pas battu pour un simple changement de visages. Il a exigé un changement de méthode, de cap, de pratique. Il a besoin de résultats, de vision et non pas de récits et de vengeances.

Gouverner, c’est construire, prévoir, arbitrer, décider. Ce n’est pas dénoncer à longueur de discours ni arrêter pour masquer ses échecs.

Dénoncer, promettre, emprisonner : voilà le triptyque d’un pouvoir qui étouffe.

Il est temps de restaurer l’essentiel : l’action juste, la compétence réelle et la responsabilité politique. Gouverner, c’est agir.

Thierno Bocoum, Président AGIR- LES LEADERS