L’ambassadrice de France au Sénégal, Mme Christine Fages, est intervenue dans l’émission En Vérité (Rsi) pour clarifier la situation du journaliste sénégalais Madiambal Diagne, visé par une demande d’extradition de Dakar. Mme Fages a fermement nié tout blocage de l’Exécutif français, martelant que la procédure est «exclusivement judiciaire» et relève de la compétence de la Cour d’appel de Versailles. L’ambassadrice a qualifié le délai actuel de «normal» et rappelé que la France attend elle-même l’extradition d’un ressortissant depuis 2022, minimisant ainsi l’impact du dossier sur le partenariat bilatéral. Elle a affirmé ne percevoir «aucune friction» menaçant la coopération, assurant que la Justice française statuera «en toute indépendance».
Dans un contexte de redéfinition houleuse du partenariat franco-sénégalais, marqué par une crise institutionnelle interne à Dakar et des tensions diplomatiques (notamment sur la question des extraditions), la position de l’ambassadrice de France au Sénégal, dans le dossier impliquant le journaliste Madiambal Diagne, est un exercice d’équilibriste. L’intervention de Mme Christine Fages sur le plateau de l’émission En Vérité (Rsi) est un acte diplomatique majeur visant à désamorcer l’un des points de friction les plus sensibles dans les relations franco-sénégalaises : la demande d’extradition visant le journaliste Madiambal Diagne. Sa déclaration, axée sur la neutralité et la souveraineté judiciaire, contredit l’interprétation d’un «blocage» par l’Exécutif français et relativise la décision de Dakar de suspendre provisoirement les extraditions vers la France. Mme Fages a martelé que le dossier Diagne est «une affaire de Justice», et non de politique. «Le Sénégal a émis un mandat d’arrêt international qui a été validé par Interpol. Nous avons arrêté en France M. Madiambal au motif de ce mandat d’arrêt, et il est entré dans la procédure judiciaire qui consiste pour le juge à se faire une opinion sur la demande d’extradition. Donc ça, c’est une procédure judiciaire sur laquelle l’Etat n’a absolument aucune influence», explique la diplomate française.
Elle ajoute pour rappeler un principe juridique simple : «Donc le juge décide en toute indépendance et là, la Cour d’appel de Versailles examine la demande, il n’y a aucun retard. En moyenne, une extradition, c’est un an à un an et demi. Il n’y a absolument pas de retard. Nous avons mis en œuvre ce que l’Exécutif pouvait faire rapidement : c’est la mise en œuvre du mandat d’arrêt, ce que nous avons fait. Et à ce stade, personne n’a refusé l’extradition puisque la Justice française n’a pas encore décidé de valider l’extradition.» Mme Fages insiste sur la séparation des pouvoirs en France : «La procédure en France est judiciarisée, et elle ne relève pas de l’Exécutif, donc on ne peut pas demander à l’Exécutif de prendre la place du Judiciaire. Qu’est-ce qu’il faut faire alors ? Il faut attendre que la Cour d’appel de Versailles décide, en toute indépendance, du sort de Madiambal, comme elle décidera du sort de l’autre ressortissant sénégalais (Doro Guèye), comme elle décide du sort de tous les ressortissants d’autres nationalités qui font l’objet de procédures d’extradition de leur pays. Il n’y a aucune raison de différencier M. Madiambal des autres.»
Cette insistance sur la nature exclusivement judiciaire de la procédure d’extradition sert à montrer l’indépendance de la Justice française. En affirmant que le gouvernement français «n’intervient pas» dans la procédure, l’ambassadrice balaie l’idée d’un refus délibéré ou d’une interférence politique de Paris pour protéger le journaliste. En affirmant que «personne n’a refusé l’extradition, puisque la Justice française n’a pas encore décidé», elle réfute l’idée d’un «retard» intentionnel. «Et comme vous le savez, la Justice française est indépendante, et elle respecte non seulement les règles internationales, mais l’accord bilatéral de coopération judiciaire que nous avons entre nos deux pays. Et le Sénégal, quand il y a des demandes, fait de même. La situation n’est pas compliquée, elle est devant la Justice. La Cour d’appel de Versailles décide et décidera, tant qu’elle n’a pas décidé, l’Etat français ne peut pas décider», précise Mme Fages.
L’ambassadrice a habilement utilisé l’argument de la réciprocité pour minimiser l’impact de la suspension des extraditions décidée par Dakar : Mme Fages a révélé que la France attend l’extradition d’un de ses ressortissants depuis 2022, sans que cela n’ait affecté la relation bilatérale. Ce point est crucial : il renvoie à Dakar l’idée que le «temps de la Justice sénégalaise» est respecté, et qu’il ne peut y avoir deux poids, deux mesures. En exprimant la surprise de Paris face à la décision de Dakar de suspendre ses propres extraditions, l’ambassadrice suggère que cette mesure a été prise sans une pleine compréhension des réalités judiciaires françaises. «C’est ainsi, c’est pareil chez vous, la procédure c’est la même : il y a d’abord une décision de Justice et, ensuite, l’Exécutif demande, enfin, exécute l’extradition, mais sans la décision de Justice, il n’y a aucun moyen d’exécuter une décision d’extradition. D’ailleurs, nous avons une dizaine de demandes d’extradition avec le Sénégal dont la plus vieille date de 2022. Nous demandons l’extradition d’un citoyen, ça n’a pas eu lieu. Nous respectons le temps de la Justice sénégalaise», assure l’ambassadrice.
Aujourd’hui, le rôle diplomatique de Mme Fages est d’apaiser les esprits dans une période de fortes tensions. En qualifiant les faits reprochés à Madiambal Diagne de «nature délictuelle et non criminelle», elle relativise le poids de l’affaire et la place dans le spectre de «simples» affaires de Justice, évitant ainsi de lui donner une dimension politique disproportionnée. Malgré l’épisode de la suspension des extraditions et les tensions politiques générales, l’ambassadrice s’est montrée résolument rassurante, affirmant ne percevoir «aucune friction» menaçant la coopération bilatérale. «Je n’ai pas entendu le Premier ministre parler de la France personnellement. En tout cas, il n’a pas mentionné la France. La Garde des sceaux, oui ! Oui, d’ailleurs, ça m’a un peu surprise parce que je sais que nos ministères de la Justice sont parfaitement informés des procédures qui sont en cours. Personne ne peut forcer la Cour d’appel de Versailles à aller plus vite qu’elle ne le souhaite. Donc, c’est la Cour d’appel de Versailles qui décide, et elle décidera quand elle aura décidé de décider, et l’Etat français ne se mêle pas du travail de la Justice», insiste-t-elle.
«Si les autorités sénégalaises souhaitent revoir le cadre, elles nous le demanderont et nous en discuterons»
La sortie de Christine Fages est une tentative réussie de replacer le dossier Madiambal Diagne dans le seul champ judiciaire. Elle rappelle à Dakar que la France respecte la séparation des pouvoirs et attend de son partenaire qu’il en fasse de même, sans instrumentaliser une procédure judiciaire pour justifier des tensions bilatérales. Mais, la relation franco-sénégalaise pourrait-elle être remise en cause par cette affaire ? «Je n’en sais rien, en tout cas, pour nous, c’est une affaire de Justice, et nous savons que les affaires de Justice se déroulent selon le temps de la Justice. Nous savons que les demandes d’examen d’extradition françaises par les autorités sénégalaises suivent à peu près le même tempo, donc nous n’avons de difficultés avec aucune des procédures en cours. Je rappelle que M. Madiambal est poursuivi pour des faits délictuels et non criminels, il y a une énorme différence. Nos demandes d’extradition portent principalement sur des crimes de sang ou des trafics en lien avec la criminalité internationale. Je ne vois pas de frictions. Les procédures judiciaires se déroulent comme elles doivent se dérouler. Si les autorités sénégalaises souhaitent revoir le cadre, elles nous le demanderont et nous en discuterons. Il n’y a pas de difficultés pour nous», répond Mme Fages.Par Bocar

