Coup d’arrêt à une dérive institutionnelle

Dans une démocratie digne de ce nom, la séparation des pouvoirs n’est pas un slogan : c’est un pilier. L’exécutif gouverne, le législatif fait la loi, le judiciaire rend la justice. Chacun reste à sa place, sous l’autorité suprême de la Constitution. Ce principe fondamental vient d’être sérieusement malmené au Sénégal, à travers l’adoption par l’Assemblée nationale d’une loi pour le moins inquiétante : elle entendait donner aux députés le pouvoir de juger les magistrats.

Face à cette tentative de soumettre la justice à l’arbitraire politique, il faut saluer un sursaut républicain : celui du Président de la République qui, au lieu de promulguer cette loi, a préféré la soumettre au Conseil constitutionnel. Et celui-ci, sans ambiguïté, a rappelé ce que tout régime démocratique devrait savoir : on ne soumet pas la justice au pouvoir politique.

Permettre à une majorité parlementaire — par définition changeante, souvent partisane, parfois revancharde — de juger les magistrats, c’est exposer la justice à toutes les dérives. C’est instaurer une pression permanente sur les juges. C’est transformer un contre-pouvoir en instrument aux mains du pouvoir.

Or, le juge ne sert aucun camp. Il ne fait pas de politique. Il dit le droit. Il veille sur nos libertés. Et c’est précisément cette impartialité qui fonde sa légitimité. Une justice soumise devient une justice sélective. Et une justice sélective n’est rien d’autre qu’une injustice institutionnalisée.

En censurant cette loi, le Conseil constitutionnel a fait plus que rejeter un texte. Il a mis un frein à une dérive. Il a rappelé que la République, ce ne sont pas seulement des institutions, ce sont aussi des principes. Et que lorsqu’on tente de les piétiner, il existe encore des remparts.

Nous devons tirer les leçons de cette tentative. La séparation des pouvoirs ne se négocie pas. L’indépendance de la justice ne se brade pas. Il en va de la crédibilité de notre démocratie, et de la confiance des citoyens envers les institutions.

La justice doit rester libre. Elle doit rester debout. Elle ne peut être placée sous tutelle politique.

Et tant qu’il restera des femmes et des hommes attachés à l’État de droit, nous continuerons à nous dresser contre toute tentative de captation partisane de la justice.

Soreu Malick, Directeur d’école

Membre du Bureau politique ACT