A la veille du débat sur l’immigration qui va s’ouvrir la semaine prochaine au Palais Bourbon il est opportun de relativiser la carricature faite par certains dirigeants politiques français sur le phénomène migratoire. La réalité est en effet assez éloignée de certains fantasmes sécuritaires.
Ainsi selon le dernier rapport de l’OCDE quelques 300 000 africains sont arrivés en Europe en 2018. On est donc très loin de l’image d’un continent qui serait envahi. Ceux qui s’obstinent à noircir le tableau doivent se faire une raison, l’Afrique est peut-être géographiquement proche de l’Europe ses habitants restent cependant une infime proportion à vouloir s’exiler dans l’un des trente-six pays de l’OCDE. Sur les 5,3 millions de personnes qui se sont installées en Europe en 2018, seuls 300 000 sont africains.
Les pays qui ont fourni les plus gros contingents de migrants sont la Chine (8% des entrées dans l’OCDE), la Roumanie, l’Inde, la Pologne, le Vietnam, le Mexique, la Syrie et les Philippines mais aucun pays d’Afrique ne figure dans les dix-sept pays en tête du courant migratoire. Le 18ème est le Maroc suivi du Nigéria, de l’Algérie, de l’Egypte et de l’Erythrée et à eux cinq ils ne représentent que 4% des entrants dans l’OCDE.
En revanche le gros des déplacements africains (70%) est intra-africain, notamment en direction de l’Afrique du Sud et lorsqu’ils débarquent en Europe les africains privilégient les pays où sont déjà installés des compatriotes, des membres de leur famille à l’image des Sénégalais vivant en France. Quant aux demandeurs d’asile les Guinéens n’arrivent qu’en quatrième position derrière les Afghans, les Albanais et les Géorgiens. Là encore on est très loin du tableau effrayant dépeint par certains.
Par ailleurs les flux humanitaires vers l’OCDE ont fortement chuté depuis 2016 à l’exception de la France. Pour autant notre pays reste un pays de second choix et les migrants ne viennent en France que parce qu’ils ont été refusés ailleurs en Europe. Un tiers d’entre eux obtient le statut de demandeur d’asile et 58% d’entre eux ont un emploi. Les Marocains, les Algériens et les Tunisiens sont ceux qui ont obtenu le plus la citoyenneté française.
Au cours des discussions qui vont avoir lieu dans les prochains jours à l’Assemblée nationale il sera intéressant de voir si la France fait le choix d’une immigration choisie (terminologie adoptée par Nicolas Sarkozy alors qu’il était ministre de l’intérieur), déjà 18 des 36 pays de l’OCDE ont inventé une formule pour attirer des start-upper. Les étudiants sont également convoités pour gagner la bataille mondiale des cerveaux et dans cette catégorie la France avec son initiative « Bienvenue en France » est en 5ème position en accueillant 324 000 d’entre eux. mais en espère 500 000 à horizon 2027. Et en ce domaine les Africains représentent 45% des étudiants étrangers accueillis en France.
Question : N’y a-t-il pas là le risque de réduire les forces vives en Afrique et de priver celle-ci de son élite dont elle a tant besoin pour son propre développement ? Comme on le voit cette question reste très épineuse et le débat parlementaire devrait en porter témoignage.
Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono – ancien auditeur au Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques.