Décidément, le Premier ministre a le verbe haut et la mémoire sélective. Devant une assemblée de chefs d’État médusés, Ousmane Sonko s’est transformé, le temps d’un forum, en grand professeur de courage politique. Lui, qui en appelle au sursaut des peuples, en oubliant que la réforme monétaire ne se décrète pas à coups de slogans ni d’ultimatums lancés depuis Dakar.
À écouter le chef du gouvernement, on croirait que la solution au franc CFA sommeille quelque part entre un discours enflammé et une promesse de “rupture” déjà mille fois répétée. Mais qu’importe les détails techniques, les négociations régionales ou les équilibres macroéconomiques : le Premier ministre, lui, a trouvé le vrai problème — le courage, évidemment celui des autres.
Il interpelle “deux présidents dans la salle”, sans se demander si lui-même, à force de dénoncer les autres, ne s’exclut pas du club des responsables appelés à agir. Et quand il évoque les “peuples qui prendront leurs responsabilités”, on devine presque un écho d’autosatisfaction : après tout, qui mieux que lui incarne ce peuple courageux face aux dirigeants attentistes ?
L’ironie, c’est que le premier ministre fustige “l’immobilisme” des autres alors que son propre gouvernement peine à faire avancer la moindre réforme économique sérieuse, au-delà des effets d’annonce. On en viendrait presque à croire que, dans ce nouveau Sénégal, le courage politique consiste surtout à accuser les autres d’en manquer.
Bref, encore un discours de plus où la posture remplace la politique, et où l’indignation sert de stratégie monétaire. La réforme attendra — le courage aussi, apparemment.
Ibrahima Thiam, président du parti ACT