Ce qu’il faut savoir sur la restitution historique de trois crânes humains par la France à Madagascar

La France restitue, ce 26 août 2025, trois crânes humains, datant de la conquête coloniale à Madagascar, dont celle présumée du roi Toera, dernier souverain indépendant du royaume Sakalava du Menabe. La cérémonie de restitution d’État à État se tiendra au ministère de la Culture, en présence de la ministre française Rachida Dati et de son homologue malgache Volamiranty-Donna Mara, ainsi que de Thani Mohamed-Soilihi, le ministre délégué chargé de la Francophonie et des partenariats internationaux. Des reliques humaines d’une importance mémorielle cruciale.

Ces trois crânes humains, remis par la France à Madagascar ce mardi, étaient conservés jusque-là dans les réserves du musée de l’Homme, une section du musée d’Histoire naturelle, à Paris. L’un de ces crânes est attribué au roi Toera, les deux autres à des guerriers tués à ses côtés lors de la conquête coloniale de l’ouest de Madagascar, à la fin du XIXe siècle. Une histoire particulièrement violente, puisque le roi Toera, qui avait accepté de déposer les armes, fut quand même tué et décapité par les troupes coloniales françaises lors du massacre d’Ambiky en 1897.

L’historien Jeannot Rasoloarison, professeur d’histoire contemporaine à l’Université d’Antananarivo et spécialiste des luttes anticoloniales à Madagascar, souligne, au micro de notre correspondant à Antananarivo, Guilhem Fabry : « Ce qu’on veut surtout avec la restitution du crâne de l’Ampanjaka Toera et puis des autres guerriers sakalava, c’est une réparation mémorielle et matérielle de ce que les Français ont commis comme crimes pendant la colonisation. C’est faire preuve de reconnaissance de l’existence des luttes anticoloniales. »

Une identification scientifique impossible

Il a fallu un long travail anthropologique et scientifique pour que la restitution de la dépouille présumée du roi Toera soit rendue possible. Une demande de restitution a tout d’abord été formulée dès 2003 par Madagascar. Mais ce n’est qu’en 2018 qu’un travail de recherche est véritablement lancé pour retrouver le crâne royal. Sauf que l’identification scientifique formelle et définitive de cette relique n’a pas été possible, en raison de la qualité de l’ADN de la dépouille.

Celle-ci a donc fait l’objet d’un rituel traditionnel spécifique, à Madagascar : une cérémonie durant laquelle l’âme du roi lui-même est descendue dans le corps d’une femme en transe, qui a pu identifier son crâne sur une photo.

« Pour les Sakalava, le retour du roi Toera incarne des dimensions spirituelle et identitaire »

Côté français, la loi sur la restitution des restes humains conservés dans les collections publiques offre depuis juin 2023 un cadre simplifié, pour que ces dépouilles puissent être retournées et inhumées dans le respect de la dignité humaine.

En outre, lors de sa visite à Antananarivo au mois d’avril, le président français a estimé que cette restitution permettrait de « créer les conditions du pardon pour les pages sanglantes et tragiques de l’histoire entre les deux pays ».

Cette restitution se veut un moment fort du point de vue mémoriel, mais c’est surtout un moment crucial dans l’histoire du peuple sakalava, comme l’explique le roi actuel, Georges Harea Kamamy, au micro de Guilhem Fabry : « Pour les Sakalava, le retour du roi Toera incarne deux dimensions essentielles, spirituelle et identitaire. Spirituelle, car il rétablit le lien sacré manquant dans la lignée des ancêtres. Ce maillon disparu retrouve enfin sa place dans la chaîne du temps. Et identitaire, car le peuple sakalava peut désormais se reconnecter à ce qui fait sa force, une identité forgée dans la rébellion digne. »

L’arrivée du crâne présumé du roi Toera est prévue pour le 31 août à Madagascar. La relique sera ensuite transportée jusqu’à la ville d’Ambiky, où elle fera l’objet de rites funéraires et mémoriels, avant de rejoindre le tombeau royal et retrouver le corps du roi, et sa lignée.