Si l’affaire n’était pas aussi grave, même dramatique pour le patrimoine historique français, on pourrait croire à un nouvel album de Hergé « Les bijoux de la Castafiore », mais ce fait divers hors-normes n’incite pas à rire car les français ont le sentiment qu’en cambriolant le Louvre de week-end, c’est eux-mêmes qu’on a cambriolé.
C’est un dimanche matin, et pas à l’heure du laitier, mais à 9h 30, alors même que le musée avait déjà ouvert ses portes au public, que les trois ou quatre Arsène Lupin ont réalisé cet audacieux fric-frac, sans armes et sans violence. Comme d’autres le feraient avec une vulgaire épicerie, mais dont le butin est à ce point énorme qu’il est inestimable. Et pour le réaliser ils n’ont pas hésité à utiliser un camion élévateur stationné sur le quai François Mitterrand, à l’arrière du célèbre musée, l’un des plus visités au monde. Il ne leur a pas fallu plus de sept minutes chrono pour réaliser cet exploit digne des plus grands hold-up de ces dernières années, qui par certains côtés n’est pas sans rappeler l’évasion d’Albert Spaggiari depuis une fenêtre du tribunal de Nice, au nez et à la barbe du juge d’instruction qui l’interrogeait dans son bureau, et des pandores présents dans la pièce. On se croirait, en 2025, revenu au Far West au temps de l’attaque des diligences par les célèbres frères Dalton. A l’évidence, le coup de ces malfrats de haut vol était bien préparé, mûrement réfléchi, et il a été parfaitement exécuté, au point qu’on serait presque tenté de dire « chapeau les artistes ! »
Sauf que la nature du butin n’incline pas à plaisanter dans ce jeu du gendarme et des voleurs qui appartiennent sans doute au grand banditisme car nous n’avons pas à faire ici à de vulgaires cambrioleurs équipés de pinces monseigneur. Ce butin représente une partie essentielle de notre patrimoine historique, aussi bien de la monarchie que de l’Empire. On parle ici de pièces uniques de notre trésor national, comparable à celui des anglais entreposé dans la Tour de Londres, et avec ce braquage c’est comme si on avait subtilisé des lingots d’or dans les coffres-forts de la Banque de France. Mais qui dit « performance » d’un côté, dit humiliation de l’autre. Et ce ne sont pas seulement les gardiens du Louvre, les dispositifs de sécurité (défaillants) du musée qui sont en cause, c’est l’image et le prestige de la France qui est atteint. La presse internationale ne sait plus ces derniers jours où donner de la tête, entre crise politique gouvernementale, dégradation de la note de notre pays par les agences mondiales, emprisonnement d’un ancien président de la République, et maintenant cet incroyable vol de bijoux.
Les gros titres s’en donnent à cœur joie et les correspondants de presse établis à Paris s’interrogent comme nous : Comment expliquer, qu’au moment où la direction du musée exigeait des crédits complémentaires pour la sécurité des œuvres d’arts entreposées dans ses murs, elle investissait cinq cent mille euros dans la modernisation d’une salle de restauration pour le personnel ? Comment expliquer que lorsque les cambrioleurs s’en sont pris avec une disqueuse électrique à une fenêtre du musée l’alarme ne s’est pas déclenchée, pour retentir quelques minutes plus tard ? Pourquoi la seule ouverture, au premier étage, donnant accès à la célèbre galerie des bijoux, située sur le quai François Mitterrand n’était pas équipée d’un vitrage blindé ? Pourquoi aucune ronde de sécurité n’a permis de voir ce camion élévateur en stationnement un dimanche matin ? De s’interroger sur la présence de ces ouvriers équipés de gilets jaunes ? Ces derniers ont-ils bénéficié d’une complicité par un membre du personnel du Louvre ? Avant d’exécuter cette opération digne d’un commando militaire des repérages ont nécessairement été effectués en amont, comment ont-ils pu passer inaperçus ? On se perd en conjecture dans ce polar digne d’une série noire.
Autant de questions auxquelles devront répondre les meilleurs limiers de la police judiciaire de Paris, avec quelques autres subsidiaires : Est-ce l’œuvre, par la criminalité organisée, d’une commande de la part d’un collectionneur milliardaire excentrique, français ou étranger, de narcotrafiquants désireux de blanchir de l’argent de la drogue par une revente des bijoux, quitte pour cela à les déchausser de leurs montures et à retailler les pierres précieuses ? Et surtout cette inquiétude, va-t-on retrouver un jour ces merveilles, ces neuf bijoux exceptionnels, et les revoir dans leurs vitrines de la galerie d’Apollon. Avec la crise politique que vit la France depuis plusieurs mois, notre endettement abyssal, l’emprisonnement d’un ancien président de la République, etc. ce cambriolage est un peu comme la cerise sur le gâteau. L’heure viendra aussi d’établir les responsabilités, pas de montrer du doigt des boucs émissaires, des têtes vont devoir tomber, et pas celles de lampistes, car une affaire judiciaire aussi retentissante ne peut rester sans lendemains et sans sanction. Le ministère de la culture va sans doute devoir lancer également un audit de sécurité dans la plupart de nos musées, qui à l’évidence présentent des failles dans la protection de nos œuvres d’art.
Il apparaît que certains cambrioleurs qui accompagnaient le camion échelle étaient à bord de scooteurs T-Max. Aux dernières nouvelles, il ne s’agit pas de François Hollande qui apportait des croissants à Julie Gayet, même si la situation est aussi rocambolesque ! Il n’y a qu’en France qu’on voit cela, et qu’on se ridiculise à ce point aux yeux du monde. Mais que le bon peuple se rassure, Emmanuel Macron l’assure, les coupables seront arrêtés et présentés à la justice. Autant de certitudes confine au ridicule, c’est grotesque ! Et d’ajouter : « Le vol commis au Louvre est une atteinte au patrimoine que nous chérissons car il est notre histoire ». Comment peut-il se réclamer de l’histoire de France, lui qui l’a tant abîmée depuis huit ans, il n’est certainement pas aujourd’hui le plus qualifié pour s’en prévaloir, une fois de plus il a oublié que « si la parole est d’argent, le silence est d’or ». La vérité, comme disait de Gaulle, c’est que les français en ont marre de cette chienlit !
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain