Il y a dans l’air du Sénégal un parfum de désillusion. Une désillusion précoce, inattendue, brutale. Ce n’est pas la peur qui hante les esprits, mais la frustration froide d’un peuple qui a trop espéré et qui, déjà, sent venir la répétition tragique de l’histoire : un pouvoir qui oublie d’où il vient et pourquoi il est là.
Depuis l’alternance de mars 2024, les Sénégalais attendaient une rupture. Une vraie. Une rupture de méthode, de priorité, de ton. Mais très vite, les slogans ont laissé place à un mannequinat politique insipide, à une théâtralisation permanente, pendant que les urgences sociales s’accumulent, que les prix flambent, que la jeunesse étouffe, et que les signaux d’espoir s’éteignent un à un.
La diversion, ce poison du changement
Le nouveau régime, au lieu de tracer une voie claire, s’enferme dans une stratégie de diversion permanente, ciblant des voix discordantes comme Moustapha Diakhaté, tout en gardant sous les verrous des détenus politiques tels que Abdou Nguer et d’autres encore, sans explication crédible. Cette tactique de l’intimidation trahit une faiblesse : celle de ne pas vouloir affronter la vérité.
Mais la vérité, la voici : les Sénégalais ne mangent pas vos buzz, ils ne se soignent pas avec vos discours, ils ne vont pas à l’école avec vos publications Facebook et TikTok, et ils ne passent pas la Tabaski avec des incantations de rupture.
Une Tabaski au goût amer
Cette fête, symbole de solidarité et de prospérité, a été cette année un miroir cruel de la misère silencieuse : prix du mouton inaccessible, denrées de base hors de portée, routes meurtrières, familles écrasées par la précarité. Où est passée la promesse de justice sociale ?
Les priorités inversées : une dette pour fonctionner, pas pour produire
Contracter de la dette pour des dépenses de fonctionnement dans un pays jeune, pauvre, et affamé d’opportunités, c’est hypothéquer l’avenir pour nourrir le confort présent. Le Sénégal a besoin d’investissements massifs, pas de ministères pléthoriques ni d’agences dormantes. L’argent du peuple doit aller vers les infrastructures, l’agriculture, l’industrie locale, l’éducation technique, pas vers des per diem de séminaires stériles.
C’est dans ce sens que le député Thierno Alassane Sall a interpellé le gouvernement, posant une question écrite cruciale :
« Quelles sont les garanties offertes aux Sénégalais quant à la soutenabilité de la dette publique dont le rythme de croissance est alarmant, en particulier lorsqu’elle finance des dépenses non productives ? »
Une interrogation de fond, légitime, dans un pays où l’endettement semble être devenu un réflexe, sans vision ni cap stratégique.
Carburant : une injustice tarifaire criante
À cela s’ajoute l’énigme du prix du carburant. Le même député a également questionné le gouvernement :
« Pourquoi le carburant reste-t-il aussi cher au Sénégal alors que dans des pays voisins, à structure économique comparable, les citoyens paient bien moins ? »
Là encore, aucun début de réponse. Cette cherté alimente une inflation généralisée, pénalise les transporteurs, les agriculteurs, les pêcheurs, bref, l’ensemble du tissu économique. Et elle révèle une gestion opaque, voire injuste, des ressources publiques.
Un appel franc : Réduisez, fusionnez, supprimez !
Vous voulez faire la rupture ? Commencez par vous l’imposer à vous-mêmes. Réduction drastique des agences inutiles, fusion des structures redondantes, suppression immédiate des fonds politiques (présidence, primature, Assemblée), réduction des salaires à la CDC, aux directions générales et aux postes de prestige. Que chacun serve la République, pas qu’il s’en serve.
Prenez exemple sur Thierno Alassane Sall. En baissant son salaire, il a posé un acte fort. Patriotique. Historique. Ce geste, là, vaut plus que mille discours. Il incarne le courage politique.
Le Sénégal mérite une gouvernance de vérité
Il est temps de publier les rapports budgétaires du dernier trimestre 2024 et du premier trimestre 2025. Que les citoyens sachent où va chaque franc. La confiance naît de la transparence, et sans confiance, il n’y a ni paix sociale ni stabilité politique.
Le Sénégal ne peut pas attendre
La jeunesse n’en peut plus. Le peuple ne veut plus rêver, il veut vivre dignement. C’est maintenant qu’il faut enclencher la machine, lancer des politiques courageuses, anti-clientélistes, productives, inclusives.
En somme, sortez de vos zones de confort, arrêtez de jouer aux influenceurs de la République. Le pouvoir est un outil de transformation, pas un podium d’exhibition. Le Sénégal a besoin d’actes, pas d’effets d’annonce.
Charité bien ordonnée commence par soi-même
Si vous voulez être différents de vos prédécesseurs, prouvez-le, maintenant, ici, sous les yeux des Sénégalais. Montrez que vous êtes des hommes et des femmes de rupture, pas des héritiers des mêmes travers.
L’histoire vous regarde. Elle sera implacable.
Mamoudou BA
République des valeurs