Après sa sortie de prison : Moustapha Diakhaté solde ses comptes avec le procureur de la République Ibrahima Ndoye

Moustapha Diakhaté, qui est sorti de prison mercredi dernier après avoir purgé sa peine de 15 jours ferme, n’a pas changé en détention. Il est devenu plus virulent, a soldé ses comptes avec le chef du Parquet de Dakar et mis le régime Pastef à nu. 

Moustapha Diakhaté ne s’est pas ramolli en prison. Il est sorti de la prison de Rebeuss plus énergique et revigoré, en assumant à nouveau les extraits des échanges au cours desquels il avait traité certaines autorités de «gougnafiers». Il dit : «Je ne regrette rien. Je n’ai pas peur de la prison.» Il ajoute : «Ousmane Sonko ne peut pas m’effacer. Le président de la République est la première autorité, ensuite vient le président de l’Assem­blée nationale, puis le Premier ministre. Mais je les ai vus marcher sur la même ligne. Ce n’est pas normal.» Très offensif, il enchaîne : «Ces gens sont pires que des gougnafiers, ils sont ignorants.»

Lors de sa conférence de presse d’hier, il a soldé ses comptes avec le procureur de la République. «Ibrahima Ndoye a un problème personnel avec moi. Je ne le considère plus comme procureur de la République, mais comme procureur de Pastef. Qu’il me colle des milliers de mandats de dépôt s’il veut. J’ai du sang royal dans mes veines et je dirai toujours ce que je pense.» Pour Moustapha Diakhaté, Ibrahima Ndoye exécute «une commande politique», mais l’ancien parlementaire est loin de se dégonfler.

«C’est inacceptable ce qui s’est passé avec mon arrestation. Mais je tiens à signaler au procureur de la République qu’il lui reste encore 998 mandats de dépôt s’il veut me faire taire, parce que jusqu’à 1000, je ne me lasserai pas de dénoncer l’injustice et les défaillances de l’actuel régime», a estimé l’ancien président du groupe parlementaire Benno bokk yaakaar. Ce n’est pas fini : «Il aurait dû arrêter Ousmane Sonko quand il a dit que le Président Diomaye Faye n’a pas d’autorité. Puisque Ibrahima Ndoye est un magistrat laxiste quand il s’agit de Pastef et punitif quand il s’agit de l’opposition, il ne l’a pas arrêté.

Diomaye Faye aurait dû le limoger, parce que c’est la première fois qu’un Premier ministre s’adresse à un Président pour lui dire qu’il n’a pas d’autorité. Pour moins que ça, Senghor a limogé un président du Conseil économique. Sonko est même allé plus loin en disant qu’on me donne l’autorité et non selon un principe électif.» Au-delà du Parquet, Moustapha Diakhaté estime que le Tgi de Dakar «mène une guerre juridique contre la liberté d’expression».

«Le Commissaire du Port est un voyou, à la limite un assassin»

Par ailleurs, il a fait des révélations sur les conditions de sa garde à vue au Commissariat de police du Port, après son interrogatoire à la Division spéciale de la cybersécurité (Dsc). Il assure qu’il a été privé de ses médicaments contre l’asthme et a subi d’autres traitements de maltraitance. «Mon fils l’a entendu dire qu’il m’a privé de mes lunettes et de mon traitement. C’est une volonté manifeste de nuire ; j’en étais privé.

Ce qui est inhumain. Comment on peut confisquer un médicament si vital à quelqu’un qui peut en avoir besoin à tout moment ? On m’a privé de natte de prières et de livres», s’indigne l’ancien parlementaire. Il tonne : «Le Commissaire du Port est un voyou, à la limite c’est un assassin. Il n’est pas un policier de la République, et je lui laisse son indignité.»

«Il y a des fous à Rebeuss»

Moustapha Diakhaté est sorti de la prison de Rebeuss traumatisé par les conditions de détention des autres détenus. Il parle d’un «lieu de torture des êtres humains». «Rebeuss n’a jamais été conçue pour accueillir des hommes. A l’origine, c’était un espace construit pour abriter des chevaux», rappelle-t-il. Il dénonce une surpopulation de cette Mac d’une capacité de 800 personnes, mais elle héberge aujourd’hui au minimum 3500, selon Diakhaté. Il regrette que l’Etat n’ait construit «aucune prison depuis 1960», malgré l’augmentation constante de la population carcérale.

Tout en dénonçant la systématisation des mandats de dépôt : «ils pleuvent de partout, c’est devenu systématique», regrette-t-il. Il poursuit ses révélations : «il y a des fous à la prison alors qu’ils devraient être soignés à l’hôpital. On leur administre des médicaments qui les droguent pour les maintenir endormis. C’est illégal», martèle Moustapha Diakhaté. En même temps, il déplore des cas de torture par certains agents : «On leur verse de l’eau et on les fouette.» Il promet de saisir les organisations de défense des droits de l’Homme et les autorités compétentes afin de mettre fin à ce qu’il décrit comme une situation inhumaine : «l’Etat a l’obligation de protéger tous les citoyens, même en prison. Rebeuss doit être fermée», conclut-il. Clap de fin !

Diakaté s’en prend au régime Pastef

Lors de sa conférence d’hier, Moustapha Diakhaté a fait le bilan des 16 mois de Pastef à la tête de l’Etat, en retenant une «clochardisation de la République, une guerre contre l’Etat de Droit et la restriction des libertés». L’ancien parlementaire s’en est également pris au Président Bassirou Diomaye Faye, le qualifiant de «faible», et à son Premier ministre Ousmane Sonko. «Sonko a raison de dire que Diomaye manque d’autorité, sinon il l’aurait déjà limogé», assure-t-il.

Il fustige la proposition de Diomaye Faye sur la construction d’un terrain de golf à Donald Trump lors de sa visite à la Maison Blanche : «Il est inculte. Face à la première puissance du monde, on parle de coopération stratégique, pas de golf. J’espère que le terrain sera à Ndianganiao !»

Pour lui, Sonko a «trahi la Constitution», en demandant qu’on lui transfère le pouvoir si le Président ne fait pas le poids. «C’est un appel à bafouer l’ordre républicain», dit-il. Selon lui, le Plan de redressement économique et social est «un écran de fumée qui ne réglera rien. C’est une incantation et il est illégal, inutile et dangereux». Que faire ? «Nous pensions qu’avec Pastef, il faut le gatsa-gatsa des idées, mais faut faire les deux : le gatsa-gatsa des idées et le gatsa-gatsa de Sonko.»