A Casablanca, un cocon pour les enfants migrants : « C’est le grand vide sentimental en nous »

Fondé il y a trente ans, le foyer Bayti aide une quarantaine de jeunes résidents à devenir des adolescents comme les autres, dont cinq Subsahariens.

Les filles se sont maquillées, les garçons ont enfilé leur plus beau tee-shirt, la fête peut commencer. La musique est si forte qu’elle fait presque vibrer les murs blancs de Bayti – « ma maison » en arabe –, un foyer situé à l’est de Casablanca qui héberge des enfants marocains en difficulté ou en rupture familiale et de très jeunes migrants. Un vendredi après-midi de juillet, ils s’amusent avec leurs éducateurs. La fin d’année scolaire et les bons bulletins méritent bien une danse, même sur du Patrick Sébastien.

Sur les 45 résidants du centre, cinq sont originaires d’Afrique de l’Ouest. Cinq enfants restés au bord des routes migratoires, là où plus personne ne les attend : Maymouna au caractère bien trempé, le souriant Fatim, l’immense Amy et ses rires interminables, Aboullah, le plus réservé, et enfin Aboubakar, sérieux et révolté. Ils sont Ivoiriens ou Sénégalais, de 11 à 19 ans, installés depuis cinq ou six ans dans ce foyer où ils apprennent à devenir des adolescents (presque) comme les autres.

Dans le bâtiment sécurisé, ils ont un cadre, un suivi médical et psychologique. Comme n’importe quel enfant, ils sont scolarisés à l’école publique et suivent le cursus en darija, l’arabe dialectal. Le wolof du Sénégal, Aboullah l’a oublié ; le dioula de Côte d’Ivoire, Maymouna, Fatim, Amy et Aboubakar ne s’en souviennent plus. « C’est ça la migration pour les enfants, c’est l’effacement de notre identité, soupire Aboubakar, 19 ans, qui a quitté Abidjan le 1er janvier 2019. Je ne me suis pas construit comme un Ivoirien, je n’ai pas appris les coutumes de mon pays. Je suis un étranger pour mes propres frères. »