Le premier moyen métrage du réalisateur sénégalais Georges Diodji Ndour, «Sili», a été projeté au Centre culturel Le Château de Saint-Louis. Sorti en 2024, «Sili» est un film hommage à Djibril Diop Mambéty, à travers le regard et les souvenirs de Lissa Ballera, vedette de la «La Petite vendeuse de soleil».
Tout commence en 1999, à Dakar. Djibril Diop Mambéty tourne ce qui sera son ultime film, La Petite vendeuse de soleil. Dans une rue, un groupe d’enfants danse. Parmi eux, Sili, une jeune fille handicapée de 12 ans, très joviale, protagoniste du film. Deux décennies plus tard, l’album photo ressort. Lissa Ballera, devenue adulte, revient sur les lieux du tournage, replonge dans le passé et partage l’intimité de cette expérience qui a bouleversé sa vie.
«Beaucoup d’émotions mélangées, un peu de tristesse et aussi de la joie de revoir les images de La Petite vendeuse de soleil», confie-t-elle après la projection en avant-première au Centre culturel Le Château de Saint-Louis, dans le cadre de la 16e édition du Festival international du film documentaire. Visiblement émue, l’actrice principale du film La Petite vendeuse de soleil est toujours à l’honneur 20 ans après. «Je suis contente d’être dans ce film. Ça fait revivre Mambéty et beaucoup de souvenirs», dit-elle, dans ce film de 45 minutes produit par le Groupe Lydel Com. Mais contre toute attente, après ce rôle marquant, Lissa s’éloigne du cinéma. Une décision maternelle. «Après La Petite vendeuse de soleil, ma mère a préféré me retirer un peu du milieu du cinéma. Elle n’avait confiance qu’en Djibril Diop. Et comme il est décédé, elle a voulu que je poursuive mes études», raconte-t-elle. Sans doute, une pause imposée mais qui ne rompt jamais totalement le lien tissé avec le septième art.
«Je n’avais jamais rêvé de devenir actrice avant cette expérience», avoue Lissa. «Djibril était un oncle du côté de ma mère. Au début, je ne connaissais pas le milieu. En tant qu’enfant handicapée, c’était difficile. On devait se lever à 6h du matin, parfois terminer vers 20h. Mais Mambéty te mettait à l’aise jusqu’à ce que tu oublies que tu étais fatiguée», explique-t-elle. La scène qui l’a le plus marquée ? «C’est pendant la fête, quand on dansait. Il y avait de la musique, des boissons, c’était joyeux. C’est ça qui m’a plu», raconte-t-elle.
D’ailleurs, dans Sili, Georges Diodji Ndour capte cette nostalgie et rend un hommage à Djibril Diop Mambéty. Ce qui, aux yeux de Lissa, est une sorte de prolongement de l’héritage du maître, décédé le 23 juillet 1998. «La Petite vendeuse de soleil, c’est une hymne à la vie. Et Georges Diodji Ndour a voulu rendre hommage à Djibril Diop», fait-elle savoir, tout en se souvenant d’une promesse restée gravée dans sa mémoire. «Je n’oublierai jamais ce qu’il m’avait promis. Avant de partir en France, on devait se voir ce jour-là, mais je l’ai raté. Il a laissé une note disant qu’il allait revenir avec La Petite vendeuse de soleil.
Malheureusement, il est décédé pendant le montage», se remémore-t-elle. Et dans ce film, elle se reconnaît totalement dans son personnage. «Sili, c’est la photocopie de Lissa», affirme-t-elle.
Un hommage à Djibril Diop Mambéty
Le film Sili, évidemment, est, selon le journaliste et critique de cinéma Baba Diop, un hommage au réalisateur disparu. «C’est un hommage à Djibril Diop Mambéty. Sili incarne sa générosité. Sili, c’était presque une enfant de la rue connue par Djibril Diop Mambéty qui l’a élevée au stade de comédienne», témoigne-t-il à la fin de la projection. Dans ce film, la musique d’Oriki se frotte au fil narratif et s’accorde aux vibrations vocales de l’artiste musicien Woz Kaly pour faire résonner la détermination du personnage principal et la poésie de l’ordinaire filmé par Djibril Diop Mambéty.
«Le film balance entre musique, souvenir de Djibril Diop Mambéty et voyage dans le temps, mais aussi et surtout l’installation du cinéma dans un coin où on n’a pas tellement l’habitude de voir des images en mouvement. C’est un film qui va circuler et raviver la mémoire de La Petite vendeuse de soleil», explique Baba Diop. Lui-même lié à cette histoire, il révèle une anecdote du tournage.
«J’ai couvert presque tous les tournages de Djibril Diop Mambéty. Et un jour, il m’a dit : «Diop, viens là.» Il m’a demandé de m’asseoir chez le coiffeur, comme ombre. C’était près du Port de Dakar. On me voit en arrière-plan dans une scène.» Critique de cinéma reconnu mais aussi réalisateur, Baba Diop confie : «J’ai fait aussi un film sur Djibril Diop. On me dit toujours critique, mais j’ai fait des documentaires aussi avec des portraits d’artistes.»