Fermeture des médias «non conformes» : LA PRESSE FACE À UN ÉCRAN NOIR

Un an après l’élection de Bassirou Diomaye Faye, la situation de la presse privée sénégalaise connaît une grave détérioration. Dans un mémorandum, Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps), dénonce une série d’attaques systématiques orchestrées, selon lui, par le nouveau régime. Face à ce qu’il qualifie de tentative d’étouffement, il appelle à une mobilisation générale pour «le renforcement de l’embryon d’État de droit au Sénégal».

«Vendredi 25 avril 2025, une situation nouvelle de violations des libertés s’est créée», affirme le président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps), Mamadou Ibra Kane, faisant référence aux convocations de journalistes par la police pour leur notifier l’interdiction de parution et de diffusion de leurs médias, ordonnées par le ministre de la Communication. Pour le patron du Cdeps, le nouveau régime veut liquider la presse privée nationale.

« Il est incontestable que le nouveau régime veut liquider la presse privée nationale », martèle-t-il. Mamadou Ibra Kane de souligner que ce ne sont pas des supputations ou des accusations, c’est la réalité des faits. « Étouffement fiscal, asphyxie économique, négation juridique. Pour le nouveau régime, toute la presse nationale, sans discernement, est liée à l’ancien régime.

Il faut donc l’exterminer », regrette Mamadou Ibra Kane. Dans un document relatif aux atteintes à la liberté de presse, il accuse l’État de vouloir remplacer la presse traditionnelle par «de nouveaux supports acquis aux thèses du nouveau régime et financés sur fonds publics». Il estime que, comme une malédiction répétée, la presse sénégalaise « subit la répression après chaque alternance politique, sous Wade, puis sous Macky et aujourd’hui sous Diomaye ».

Le président du Cdeps souligne que le combat n’est pas seulement celui des journalistes. «Le combat est aujourd’hui le renforcement de l’embryon d’État de droit au Sénégal, pour favoriser l’émergence d’une presse libre, indépendante et républicaine. Ce n’est pas le combat des journalistes et techniciens des médias.

C’est le combat de tous les citoyens, toutes les personnes soucieuses du renforcement de la démocratie », fait-il savoir en substance. À travers son mémorandum, le Cdeps détaille les difficultés économiques et fiscales imposées aux entreprises de presse.

Il évoque des «pressions fiscales disproportionnées et illégales, refus d’appliquer l’instruction d’effacement de dettes fiscales donnée par Macky Sall en mars 2024 », et les déclarations du Premier ministre Ousmane Sonko accusant la presse de «détournements et de chantage», accusations que Mamadou Ibra Kane qualifie de «fausses » et «inacceptables». S’agissant des récriminations relatives aux contrats commerciaux avec des entreprises publiques ou des sociétés nationales, le Cdeps précise que « tous les contrats ont été résiliés unilatéralement et les paiements pour les services faits n’ont pas été suivis de règlement.

Avec la résiliation des contrats, il est évident que cette instruction avait pour effet de priver les entreprises de presse de recettes importantes », regrette Mamadou Ibra Kane, précisant que la situation actuelle que vivent les entreprises de presse est « inédite ». Mais ce n’est pas tout, selon le mémorandum, la situation a empiré avec la création d’une «plateforme des médias» destinée officiellement à «assainir la presse», ainsi que la publication d’une liste de «médias validés» en dehors des règles prévues par le Code de la Presse.

 

Rencontre de ce mardi

Ce Mardi, le Cdeps a convié à la Maison de la presse, l’ensemble des 381 médias jugés «non conformes» et ciblés par la police. Mais en attendant, un recours a été déposé devant la Cour suprême pour contester les arrêtés du ministre de la Communication. « Le Cdeps entend défendre les droits des entreprises de presse ciblées par le fisc de manière inacceptable et attend des autorités une prise en compte des instructions contenues dans la correspondance du président Macky Sall pour un effacement de la dette fiscale », a soutenu Mamadou Ibra Kane, qui, dans la même occasion, promet d’accompagner « toutes les entreprises membres pour la défense de leurs droits face au fisc et fera tout ce que la loi permet pour défendre le droit d’entreprendre et le droit de presse et ce, avec les moyens dont il dispose en tout lieu et en tout temps ».