Au cœur de la nature, des chercheurs gabonais étudient les chauves-souris suspectées d’être à l’origine de nombreuses épidémies.
Article rédigé par franceinfo avec AFP France Télévisions
Des scientifiques gabonais du Centre interdisciplinaire médical de recherches de Franceville (CIRMF) prélèvent des échantillons sur une chauve-souris, le 25 novembre 2020, dans une grotte de la région de Zadie, au Gabon. (STEEVE JORDAN / AFP)
Des scientifiques du Centre interdisciplinaire médical de recherches de Franceville (CIRMF), au Gabon, quittent leur laboratoire le temps d’une mission en pleine nature pour pister les chauves-souris et autres mammifères suspectés d’être porteurs de virus.
Des chasseurs de virus
Six hommes en combinaison jaune, couverts de la tête aux pieds, grimpent laborieusement vers une cavité perdue au cœur de la forêt vierge, dans le nord-est du Gabon. Ces chercheurs gabonais du Centre interdisciplinaire médical de recherches de Franceville se rendent dans la grotte de Zadié pour y étudier les chauves-souris et autres mammifères qui seraient à l’origine de la plupart des épidémies transmises à l’homme ces dernières années : le SRAS en 2003, le MERS en 2012, Ebola dès 1976, et aujourd’hui le SARS-CoV-2 à l’origine du Covid-19 qui paralyse la planète.
« Notre travail consiste à identifier les agents pathogènes qui pourraient représenter un danger pour les populations humaines et comprendre les transmissions inter-espèces »
Gaël Maganga, enseignant-chercheur à l’université de Franceville
à l’AFP
La manipulation en laboratoire
Pour cela, il faut d’abord pister les mammifères, puis les capturer momentanément dans un filet afin de faire les prélèvements nécessaires à l’aide d’écouvillons stériles. Retour ensuite à Franceville, troisième ville du pays, qui abrite l’unité Emergence des maladies virales du CIRMF. C’est ici que se trouve, dans des bâtiments hermétiquement clos, l’un des deux laboratoires P4 d’Afrique (l’autre étant en Afrique du Sud), une classification internationale autorisant la manipulation des virus les plus dangereux.
Au Gabon, toutes les épidémies d’Ebola se sont déclarées dans la région de la grotte de Zadié, tout près de la frontière avec le Congo, ce qui a permis aux chercheurs du CIRMF de mieux surveiller les chauves-souris qui seraient à l’origine de l’émergence du virus.
Le virus Ebola a d’ailleurs été co-découvert par un chercheur congolais, le professeur Jean-Jacques Muyembe-Tamfum qui a été le premier témoin scientifique de cette maladie qui a frappé la RDC en 1976.
Biodiversite et prévention
Aujourd’hui plus que jamais, les scientifiques du monde entier s’intéressent aux maladies issues d’agents pathogènes animaux, mais aussi à la préservation de la biodiversité, à son impact sur notre environnement et aux risques de pandémie.
Fin octobre, le groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité (IPBES) prévenait dans un rapport que les pandémies comme le Covid-19 allaient se multiplier et faire de plus en plus de morts, évoquant un immense réservoir de 1,7 million de virus inconnus dans le monde animal, dont 540 000 à 850 000 « auraient la capacité d’infecter les humains » en soulignant l’importance de la prévention.
« Les changements dans la manière dont nous utilisons les terres (…) perturbent la nature et augmentent les contacts entre la faune sauvage, le bétail, les agents pathogènes et les êtres humains. C’est un chemin qui conduit droit aux pandémies »