L’actualité économique du Sénégal en cette fin d’année est marquée par une réorientation stratégique majeure annoncée. Le Conseil des ministres du vendredi 26 décembre 2025 a adopté le projet de loi portant seconde Loi de finances rectificative (Lfr 2) pour l’année 2025. En vérité, ce texte sert de socle financier au nouveau Plan de redressement économique et social. Entre coupes, taxes et recettes, la Lfr 2 sera examinée ce matin par les députés.
Au lendemain d’un nouvel Appel public à l’épargne estimé à plus de 560 milliards F Cfa, l’Assemblée nationale examine une deuxième Loi de finances rectificative (Lfr). Un exercice soumis aux députés à la fin de l’année budgétaire, et quelques semaines après l’adoption de la Loi de finances initiale 2026. Le ministre des Finances, Cheikh Diba, se présente ce matin devant les parlementaires avec un budget resserré, dans un contexte d’exécution du Plan de redressement économique et social lancé en août.
L’adoption de la Lfr 2 n’est pas qu’un simple ajustement comptable : c’est l’outil qui rend opérationnel le plan de redressement baptisé «Jubbanti Koom». Pourquoi une Lfr 2 en fin d’année ? La nécessité de cette loi rectificative repose sur deux réalités révélées par les récents audits : un déficit budgétaire réel estimé à près de14% et une dette publique culminant à 119% du Pib (loin des 74% initialement déclarés). Il y a aussi la nécessité d’un réajustement budgétaire, car les recettes ont été révisées à environ 4884, 3 milliards de F Cfa dans la Lfr adoptée en juin dernier pour coller à la réalité économique. Alors qu’elles étaient initialement projetées à plus de 5000 milliards. Est-ce que ces projections ont été atteintes en dépit de l’entrée en vigueur de nouvelles taxes ?
Dans le cadre de la seconde Lfr et des réformes fiscales de 2025, le gouvernement sénégalais a mis en place des taxes «comportementales» et sectorielles ciblées. Introduite par la loi du 27 septembre 2025, la taxe sur le Mobile Money, avec un prélèvement de 0, 5% appliqué sur chaque transaction (transfert d’argent et paiement marchand), est entrée en vigueur en octobre 2025.
Ce montant est toutefois plafonné à 2000 F Cfa par opération pour ne pas pénaliser les très gros transferts. Les commerçants recevant des paiements via code QR (Wave, Orange Money, etc.) sont également prélevés de 0, 5% à la source par les opérateurs pour le compte de l’Etat. Elle est censée rapporter entre 76 et 100 milliards de F Cfa par an. En tout cas, l’enjeu majeur sera de vérifier si «trop d’impôt ne tue pas l’impôt». Si les Sénégalais réduisent leur utilisation du Mobile Money pour éviter la taxe, les recettes de l’Etat pourraient être inférieures aux prévisions, tout en ralentissant l’activité économique des Pme.
Dans une optique de santé publique et d’alignement sur les standards de l’Oms, le Sénégal a nettement revu à la hausse la pression fiscale sur les produits du tabac en 2025. Elle est passée de 65% à 70% et devrait rapporter, selon les prévisions, entre 50 et 80 milliards F Cfa. Le gouvernement a également élargi l’assiette fiscale à d’autres secteurs lucratifs. Pour les jeux de hasard, une taxe de 20% est indexée sur les gains des parieurs et une autre de 20% sur la part revenant aux opérateurs de jeux en prévoyant des recettes de l’ordre de 300 milliards F Cfa sur un secteur en pleine explosion.
Jusqu’ici, il y a une certaine opacité sur le déploiement du Pres dont le document d’orientation n’a jamais été partagé. Si la baisse des prix des hydrocarbures et de l’électricité a été actée, il y a quelques semaines, la situation économique reste très tendue, comme le montre l’enchaînement des levées de fonds sur le marché de l’Uemoa, pour trouver des fonds, en attendant la relance de la coopération avec le Fmi.
Or, le Sénégal doit rassurer les bailleurs de fonds sur sa capacité à revenir dans les clous de l’Uemoa (déficit de 3% du Pib d’ici 2027). Cela est une condition nécessaire et indispensable pour que la taxation au détail de la relance de l’économie ne puisse pas être un autre instrument de ralentissement de la croissance.

