Trop sensible devant l’image d’une vache et de son veau ? Non, c’est le monde qui est insensible et courre à sa perte. Imagine-t-on la détresse d’un éleveur suite à l’abattage d’un troupeau, atteint de la dermatose, qu’il aura mis une vie à constituer ? Vaccinons plutôt les animaux, comme on a su le faire pour les humains lors du Covid ! Ils nous nourrissent, sans eux nous crèverons de faim demain !
Sans attendre ce moment, la paysannerie, elle, se meurt déjà !! Et avec elle une partie du patrimoine national et de l’histoire d’un pays, par définition, rural depuis des siècles. Quarante mille fermes ont déjà disparu en trois ans, combien en restera-t-il dans cinq ans, et avec elles notre alimentation, ainsi que l’âme de nos villages, la vie de nos terroirs ! Nous en avons assez de Bruxelles, de ses règlements, de ses directives et circulaires, de sa montagne de paperasserie, assez de ces technocrates parisiens qui ne connaissent les vaches qu’au salon de l’agriculture et n’ont jamais visité une étable, qui décident de tout et de rien, y compris de notre avenir, assez de cette cécité des pouvoirs publics, de ces fonctionnaires tranquillement installés dans leur bureau. « Comment », disait Jean-Louis Borloo, « un pays peut-il vivre lorsque derrière chaque producteur, il y a trois contrôleurs » ?
Ce fardeau administratif et fiscal est devenu insupportable pour ceux qui se lèvent tôt, triment sang et eau, prennent des responsabilités et des risques, du matin au soir, dans l’inconfort et l’instabilité permanente, avec le poids des multiples contrôles et vérifications du fisc, de l’Urssaf, des services vétérinaires, des fraudes, etc. En Ariège, on a mis en face des éleveurs une armada de CRS et gardes mobiles comme on ne le fait même pas dans les cités, face aux narcotrafiquants et autres maffieux … Seraient-ils plus dangereux ? Menaceraient ils la sécurité nationale ? Il faut savoir raison garder ! Ces gens sont avant tout désespérés, au bord de l’agonie, avec deux suicides par jour selon les chiffres de ls MSA. Et la seule réponse qu’apporte le gouvernement ce dont des charges policières montant à l’assaut d’ une ferme, comme s’il s’agissait de Fort Chabrol ?
Une profession, essentielle à notre existence, se meurt dans le fracas des grenades lacrymogènes et des tueries de masse des vétérinaires, abattant des animaux « malades de la peste », comme aurait dit La Fontaine. Ailleurs dans l’Hexagone, des salariés de l’électroménager, après ceux de l’automobile, du textile, de la sidérurgie, de la chaussure, etc. sont licenciés par centaines et des entreprises ferment leurs portes devant l’offensive scélérate de la Chine avec ses prix low-cost, alors que d’autres français s’apprêtent à manger de la dinde de Noël, avant qu’on décrète, un jour, qu’elle aussi est devenue inconsommable. France, qu’est devenue ta souveraineté ?
Hier nous exportions des céréales dans le monde entier, aujourd’hui nous les importons, (avec OGM de préférence), sans parler des poulets et des fruits et légumes. L’écrivain Claude Carrère, prix Médicis 2025 avec son livre « Kolkhoze » prophétise » des lendemains douloureux, dramatiques pour notre pays en particulier, et la planète en général, en raison de la surpopulation (8 milliards d’habitants), du désastre écologique, d’une immigration massive, et de la démocratie occidentale (et ses valeurs de liberté) en passe de disparaître face aux autoritarismes » et nous restons sourd à ces signaux d’alerte, alors qu’il faudrait sonner le tocsin. Nous sommes sourds à la colère, aux protestations du peuple, à ses revendications, à son désespoir, comme pour nos paysans, éleveurs, viticulteurs, maraîchers qui disparaissent dans l’indifférence générale et un silence assourdissant. « C’est que, Monsieur, dans nos campagnes, on a notre dignité, on se jette dans un puits, ou on se pend à une poutre dans l’écurie sans emmerder le monde ! »
Qui sème le vent récolte la tempête, un jour les frondeurs paysans se démultiplieront face à toutes ces injustices quotidiennes, à cette casse industrielle, commerciale et agricole décidée par l’Organisation mondiale du commerce (l’OMC) et les élites bruxelloises, et seront rejoints par d’autres déshérités du système, alors le risque d’une guerre civile ne sera pas virtuel mais bien réel. A force de jouer avec des allumettes, on finit un jour par se transformer en incendiaire, et ce jour-là il n’y aura pas que les champs qui brûleront.
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain

