Mali: l’assassinat de la bloggeuse Mariam Cissé par des jihadistes provoque «indignation» et «patriotisme»

Au Mali, les hommages continuent de pleuvoir après l’assassinat de la bloggeuse Mariam Cissé vendredi dernier. La jeune malienne a été exécutée publiquement à Tonka, région de Tombouctou, où elle vivait et d’où elle publiait régulièrement des vidéos pour décrire la vie locale et soutenir l’armée. Son assassinat n’a pas été revendiqué, mais les témoignages locaux accusent directement les jihadistes du Jnim, liés à al-Qaïda. Les autorités locales ont apporté leur soutien à la famille de Mariam Cissé. RFI a recueilli les paroles de ses condisciples bloggeurs de la région de Tombouctou.

Au Mali, sur les réseaux sociaux (TikTok), Mariam Cissé était suivie par plus de 95 000 personnes. Après sa mort, le nombre de ses abonnés a bondi à plus de 150 000. Ses vidéos, souvent pleines d’humour, sont désormais assorties d’innombrables commentaires accablés, à la mémoire de « l’héroïne », de la « martyr ».

Fatouma Harber est fondatrice de Doniblog, la communauté des bloggeurs du Mali. Elle vit à Tombouctou et ne se remet toujours pas de l’assassinat de sa condisciple.

« Pour nous terroriser et nous faire mal »

« Je suis très très affectée de voir une si belle joie assassinée de façon aussi brutale, décrit la bloggeuse, qui se décrit elle-même comme défenseuse des droits des femmes et de la démocratie. Ça fait vraiment mal. J’ai envie de crier, mais ça ne servirait à rien, car ce geste a été fait justement pour nous terroriser et pour nous faire mal ».

Dans ses vidéos, Mariam Cissé décrivait le quotidien de Tonka : elle filmait les habitants, les danses, les habits traditionnels, les pirogues, les commerçants. Elle filmait aussi ses amis, ses grimaces, avec toujours des musiques bien choisies. Mariam Cissé filmait la vie et le bonheur de la vivre.

Elle affichait aussi sans détours son soutien à l’armée malienne, dans son combat contre les groupes armés. La bloggeuse a-t-elle été exécutée pour ses prises de position ? Ou parce qu’elle avait filmé sans le savoir des jihadistes dans le marché d’Echel, où elle s’était rendue le jour de son enlèvement ? Mariam Cissé a été enlevée jeudi 6 novembre dans ce village de la région de Tombouctou, avant d’être ramenée le vendredi 7 dans sa ville de Tonka où elle a été exécutée publiquement. 

Patriotisme et appel à la paix

Ismaël Yattara, dit « Champion », est, lui aussi, bloggeur à Tombouctou. « Ça fait mal, déplore-t-il à son tour, ça fait mal à toute la population de Tombouctou et du Mali en général. Ça a soulevé une partie de patriotisme en nous, parce que Mariam a été assassinée, comme beaucoup le disent, à cause de son soutien à l’armée malienne, ce qui a suscité l’indignation des populations de Tombouctou. Ça nous fait très mal. Nous gardons Mariam en nous, conclut Ismaël Yattara, et nous lançons un appel à la paix ».

Lundi 10 novembre, les autorités locales ont remis des dons alimentaires et une enveloppe à la famille de Mariam Cissé, pour manifester la « solidarité » et la « compassion » de l’État malien. 

RFI