En découvrant les derniers rebondissements suite à l’annonce de la composition du nouveau gouvernement, je repensais à cette excellent livre d’Hemingway, dont le titre me paraît très approprié aux circonstances actuelles.
Quelle idée aussi d’aller sortir de sa retraite normande Bruno Le Maire, à qui l’on doit une partie de notre déficit des comptes publics ? Mardi encore, celui-ci jurait que pour rien au monde il n’accepterait un nouveau poste gouvernemental. Et puis voilà, on le remercie de son échec aux finances en lui offrant un nouveau grade, celui de ministre des armées. Ce sont les militaires qui vont être contents ! Se dire que leur nouveau chef est un auteur de romans à l’eau de rose n’a rien de rassurant dans la période actuelle, et son échec à Bercy n’augure rien de bon pour la grande muette de l’hôtel de Brienne, rue Saint-Dominique.
Pour Bruno Retailleau, cette nomination inattendue a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de Soissons, car dans le marigot actuel de la politique élyséenne un nouveau canard macroniste était de trop. Cela lui a fait l’effet d’un camouflet, et il a donc décidé de relever le gant.
Au demeurant, trois semaines pour en arriver là, c’est pitoyable ! Tout ce temps perdu, dans un contexte national et international chahuté, pour un gouvernement « Bayrou bis », quasiment à l’identique, poste pour poste, exceptés le départ de Lombard à Bercy (pour qui la mayonnaise n’a jamais pris) et le retour d’un vieux briscard, ancien ministre de l’énergie et ancien socialiste compagnon de route de Dominique Strauss-Khan, à savoir Roland Lescure. Reste une belle bande d’éclopés suite à un jeu de chaises musicales orchestré par Macron en personne. Et au final, un beau flop.
Le vendéen Bruno Retailleau menace en effet de renverser ce château de cartes (et de sable) à quelques heures du premier conseil des ministres du gouvernement Lecornu, démontrant ainsi qu’il est bien un « ventre à choux », digne héritier de Clemenceau, dit « le Tigre », et non un ventre mou. S’il devait se confirmer dans les heures qui viennent qu’il quitte effectivement le gouvernement, lui et quelques autres LR, point ne serait besoin d’attendre le dépôt d’une ixieme motion de censure, le gouvernement Lecornu exploserait en pleine vol, à peine après avoir décollé, ce qui ferait de lui le Premier ministre le plus éphémère de la Veme République.
Il aurait alors tout le temps de lire, ou relire, le magnifique roman d’Ernest Hemingway « Pour qui sonne le glas », et d’en offrir un exemplaire dédicacé à Emmanuel Macron qui ne manquera pas d’y voir là une oraison funèbre pour la macronie, qui aura été pour la France une maladie infantile, comme l’a été, à en croire Lénine, le gauchisme au communisme. En clair, un avatar dans notre histoire politique.
Ainsi meurent les régimes, quand ils sont dirigés par des dirigeants qui n’ont pas le courage et l’intelligence de tirer les leçons d’une situation compromise à tous les niveaux, politique, économique et diplomatique.
Il ne reste plus qu’à attendre une éventuelle dissolution de l’actuelle assemblée nationale et le retour des députés devant les électeurs (« ces animaux malades de la peste », comme aurait dit Jean de La Fontaine) ou la démission du monarque républicain (choix plus improbable du fait de son orgueil et son arrogance) pour sortir le pays de cet imbroglio dans lequel il est empêtré, et dont il porte une large part de responsabilité..
A moins que le magicien élyséen ne nous réserve une nouvelle entourloupe de son sac à malices.
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain