Quelle brillante démonstration de neutralité ! Le Sénégal vient d’assister à un épisode qui restera dans les annales : la nomination de l’ancien avocat personnel du Premier ministre à la tête du ministère de l’Intérieur. L’impartialité atteint ici des sommets, dignes d’un mauvais sketch.
On nous parle de transparence, de neutralité et d’indépendance. Trois valeurs censées incarner l’esprit républicain et garantir la confiance des citoyens. Mais au lieu d’aller dans ce sens, le pouvoir choisit de confier la gestion de la sécurité, des élections et des libertés publiques à un proche du chef du gouvernement. Faut-il encore rappeler que le ministère de l’Intérieur est au cœur de l’équilibre démocratique, notamment par son rôle dans l’organisation des scrutins ?
La symbolique est forte : l’État envoie un message clair, celui d’une République qui confond l’intérêt général avec les intérêts particuliers. Loin de rassurer l’opinion, cette nomination ravive les soupçons de partialité et fragilise davantage la confiance entre gouvernants et gouvernés. Car enfin, qui peut croire sérieusement que l’ancien avocat d’un Premier ministre pourrait se départir de toute loyauté personnelle au moment de trancher des dossiers sensibles ?
On nous dira qu’il s’agit d’un professionnel compétent, d’un juriste expérimenté, d’un homme “au-dessus de tout soupçon”. Mais la politique ne se résume pas aux CV, elle repose aussi sur des symboles. Or, le symbole est ici désastreux : la neutralité promise se transforme en impartialité affichée, au bénéfice exclusif du pouvoir en place.
Quelle belle leçon de gouvernance ! Après 17 mois de promesses, le seul véritable acte politique du Premier ministre est donc ce fameux remaniement ministériel. Et l’histoire retiendra que son geste le plus marquant aura été de placer un fidèle au cœur du dispositif électoral et sécuritaire. L’avenir ? Visiblement réservé aux proches.
Boubacar Ndiaye, Membre de la cellule des jeunes du parti ACT Sénégal