Plusieurs personnes ont fait le déplacement à Mbanane, pour célébrer le retour du jeune berger, Demba Hamady Sada Bâ, parti depuis 5 ans de ce village de la commune de Nabadji-Civol, dans la région de Matam (nord), à la recherche de pâturage pour son troupeau de moutons, entre le Sénégal, la Mauritanie et le Mali.
‘’Le +haga baali+ désigne un nomade qui accompagne ses troupeaux à travers les frontières pendant la saison sèche, en quête de pâturage. Ces voyages peuvent durer plusieurs années, jusqu’au retour de la saison des pluies, moment où il revient sur ses terres’’, lit-on dans un document.
La personnalité du ”haga baali” est une figure respectée, presque mythique, qui incarne la bravoure, l’endurance et le lien ancestral avec le bétail.
Son retour a toujours été célébré dans les villages peuls, de la région et, au-delà, dans la zone sylvopastrale. Mais le cas de Demba Hamady Sada Bâ a été unique avec le déplacement d’une foule nombreuse dans son village pour l’accueillir en héros.
Une situation qui a conduit la Gendarmerie nationale à déployer des éléments pour faire régner l’ordre dans ce hameau qui n’a jamais vu autant de monde.
Mbanane, situé à quelques kilomètres du village de Boyinadji, est en fête. Des personnes venues de toute la région de Matam et des villages de la Mauritanie ont fait le déplacement pour assister au retour du jeune berger.
A l’entrée de ce hameau habité par des peuls, un tableau à l’effigie de Demba Hamady Sada Bâ accueille le visiteur. L’occasion faisant le larron, des vendeurs d’eau, de jus, de puces téléphoniques, ont pris d’assaut ce village pour espérer écouler leurs produits.
Des t-shirt, des gilets et de petites photos à l’effigie du berger s’échangent entre 500 et 3 000 francs CFA. Mbanane était devenu, le temps d’une journée, un marché. Des bus et des minicars ont transporté des gens venus de partout.
Ce retour du berger a été amplifié par le réseau social Tik-Tok. Avant son arrivée à Mbanane, des vidéos ont été largement partagées, le montrant acclamé et accueilli par de nombreuses personnes partout où il est passé, du Mali au Sénégal.
L’ambiance est à son comble dans ce village qui, d’habitude, n’était perturbé que par le bêlement des moutons et des vaches, entre autres cris des animaux domestiques. Sous une tente, des chanteurs se relayent au micro pour chanter les louanges du ”Haga Baali”, un berger nomade, parti de son village il y a cinq ans en compagnie de son troupeau de moutons pour la transhumance, une activité pastorale très pratiquée dans la région de Matam.
L’attente devient longue pour beaucoup de personnes. Les rumeurs fusent de partout. Certaines annoncent que Demba est entre les villages de Alana et Thiankone. D’autres soutiennent que le berger exige un renforcement de la sécurité et une organisation parfaite avant de rentrer dans son village.
Alors que la foule continue de s’agrandir, un pick-up de la gendarmerie avec des éléments de l’Escadron de Thiambé prend la route pour aller à la rencontre de Demba et de son troupeau. Toute la foule suit le véhicule. Des motos Jakarta et autres véhicules prennent le même chemin que les homme en tenue.
Quelques minutes plus tard, le véhicule de la gendarmerie revient et prend la route pour retourner à Thiambé. Selon une source, les éléments sont retournés au camp pour rendre compte à l’autorité de la situation sécuritaire.
Sur place, la foule ne désespère pas et continue d’attendre le retour du berger. Sur l’une des rares maisons en terrasse du village, ils sont nombreux à s’y installer pour avoir une vue de l’arrivée de Demba. D’autres ont, quant à eux, pris place sous des arbres.
Vers 14 heures, on annonce l’arrivée du berger. Toute la foule accourt pour l’accueillir derrière le village. Malgré la densité de la foule, la gendarmerie, à bord de deux pick-up, aidée par des civils, parvient à faire régner l’ordre.
Sous les cris d’admiration du public, Demba Hamady Sada Bâ rejoint le domicile de son père où l’attendaient aussi sa mère, ses frères et sœurs, ainsi que sa femme et son enfant. Habillé d’une tenue multicolore, une casquette posée sur une chevelure, Demba est escorté par des éléments de la gendarmerie. Il a, à ses côtés, deux vieux et le troupeau derrière lui, marchant vers la maison de ses parents.
“Je n’ai jamais vu un tel accueil depuis que je suis né. Cet accueil est unique”, explique ce berger venu de Saré Liw, dans la commune de Dabia. Pour son autre ami, qui est venu de Ranérou dans le Ferlo, à moto, le jeune berger a emprunté les chemins de la transhumance avec ses moutons à la recherche du pâturage. Le retour de Demba “dépasse l’entendement” car, la communauté peule n’est pas habituée à ce genre d’accueil aussi grandiose.
‘’J’ai fait cinq ans dans la brousse, entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. J’ai passé tout ce temps-là à l’étranger pour l’élevage et le +pulaagu+ [un ensemble de valeurs qui définissent l’identité des Peuls”, explique Demba Hamady Sada Ba.
”Je suis fils d’éleveur et peul, c’est pour cela que j’ai fait tout ce voyage avant de rentrer’’, clame-t-il avec fierté.
Pour l’économiste Aliou Hamady Ba, ‘’ce n’est pas facile de comprendre le phénomène Demba Hamady Sada car, nos codes ont beaucoup évolué”.
”Mais, nous avons encore une conscience collective qui nourrit l’imaginaire d’une société pastorale forte, libre et utile. Et ce, à travers des récits que la plupart d’entre nous considéraient comme des mythes et qu’une poignée considérait comme un idéal’’, souligne-t-il.