» L’actualité nous rattrape ces jours ci de juin 2023 ( mort de Nahel), et il nous faut comprendre les environnements pour comprendre et mieux cerner les enjeux. Nous devons travailler sur l’éducation et le respect des règles, lois d’un pays, pour mieux votre ensemble. On ne peut faire sa propre loi et vouloir imposer aux autres ce que nous nous refusons en général. On ne doit pas manipuler les jeunes, souvent ignorants, déboussolés et fragiles. Les associations et autres structures ont un gros travail à faire, pour renouer avec l’éducation et le civisme. L’Etat doit protéger tous les citoyens sur son territoire et donner la chance a chacun »….P B Cissoko
Historien de formation, Michel Aubouin, préfet, a quitté ses fonctions et son devoir de réserve. Les banlieues, il les connaît depuis quarante ans, il y a enseigné puis mené plusieurs missions pour le ministère de l’Intérieur. Il a vu, au cours du temps, comment certains quartiers sont devenus des zones de non-droit.
En quatre décennies, Michel Aubouin a rencontré tous les acteurs et professionnels concernés : des architectes aux sociologues, des hommes politiques aux acteurs de la vie associative et aux hommes de foi, qu’ils soient prêtres ou imams.
Il a croisé leurs expériences et leurs regards. Il a souvent proposé d’agir dans le sens du « vivre ensemble », sans être toujours entendu…
Dans 40 ans dans les cités, il raconte, à travers les grands événements auxquels ont été confrontés les Français, le fil continu d’une lente dérive et nous livre avec son regard un état des lieux de ces « quartiers » rongés par la drogue et la radicalisation.
Une enquête à 360° au plus près des faits et de la réalité.
Michel Aubouin constate mais ne renonce pas ; lui-même, enfant des cités, s’est hissé là où personne ne l’attendait ll veut encore croire aux bonnes volontés et à une prise de conscience salutaire.
Dans ce livre témoignage, Michel Aubouin, haut fonctionnaire, ayant accompli plusieurs missions pour le ministère de l’intérieur, livre son histoire de la banlieue et des cités Hlm où il a grandi et décrit ce qu’il appelle la lente et inexorable dérive de ces quartiers.
Note de lecture
« Grace à Masse Critique du mois de février et les éditions Presses de la Cité, j’ai reçu le livre de Michel Audoin “40 ans dans les cités- D’une enfance en HLM au ministère de l’intérieur”. Je l’avais choisi puisque j’ai la chance depuis maintenant presque 45 ans de vivre en Seine-Saint-Denis et d’y avoir fait toute ma carrière.
Comprendre le phénomène dit des “cités”, interroger son histoire et le devenir de ces enclaves a toujours été pour moi une vraie question sociale, politique et humaine. Car, on ne peut nier, et tous les rapports le notent à chaque fois, la Seine-Saint-Denis regroupe tous les facteurs du département le plus sinistré de la Métropole. En son temps, Stéphane Carillon, Maire de Sevran, avait demandé l’armée pour le maintien de l’ordre dans un des quartiers de sa ville considéré comme une zone de non-droit ! Cette mesure devait alerter sur l’urgence à mettre en œuvre une politique spécifique ! Des mesures sporadiques ont été prises qui colmatent mais ne résolvent rien …
Michel Audoin livre une histoire de ces cités : Grigny, Vénissieux, Dreux, Garges-Les-Gonesses, etc. Comment de l’accession au confort d’une classe populaire au début des années 60, ces immeubles sont devenus, au fil du temps et au fil des départs ou non de leurs habitants, des zones où la police ne rentre plus, où les pompiers se font caillasser, où les services au public subissent des dégradations régulières, où le trafic de drogue génère une vraie économie qui s’implante durablement au détriment du travail et de la norme ?
Michel Audoin explique ces évolutions, les interconnexions entre les vagues d’immigration, la crise économique après les années des “trente glorieuses”, les politiques éducatives, l’extrémiste politique et tant d’autres choses qui peuvent avoir conduit à ces situations…. Ce livre est une grande richesse car l’histoire contemporaine est passée en revue au regard de ces zones d’habitat social! Un français sur 6 vit en HLM. 6 français sur 10 sont propriétaires de leur logement, donc 4/10 ne peuvent, ou ne veulent pas, malgré des politiques d’incitations, y accéder.
Alors aux responsabilités, son essai s’apparente souvent plus à un pamphlet politique qu’à une étude impartiale et documentée. Même si sa documentation est étayée d’une connaissance certaine de ces quartiers et des populations accueillies, il n’est pas neutre ! Relevé de son devoir de réserve depuis 2008, Michel Audoin précise comment les politiques ( du côté où il milite et de l’autre) ont manqué d’analyse pour résoudre ce problème qui gangrène la France de façon durable et irrémédiable. Alors, selon les moments, le ton est amer !
Ce n’est pas un récit autobiographique racontant comment un gars des cités a gravi, au fil des années, toutes les étapes de la hiérarchie sociale jusqu’à se retrouver dans les arcanes du pouvoir au ministère de l’intérieur !
C’est un documentaire orienté sur la mise en œuvre de diverses décisions politiques, que je ne partage pas, qui n’ont pas amenés la résolution du problème ou sur certaines qui n’ont pas été prises par manque de courage politique ou de conscience de l’urgence. Ce qui est sûr, c’est qu’il est plus prégnant aujourd’hui !
L’auteur alerte sur le devenir de ces zones où la République n’est plus présente ! Pour lui, les solutions passent par une autre politique du logement public, une révision du droit du sol, le renvoi de toute immigration illicite et des épreuves de culture générale pour l’attribution de la nationalité française, une représentation dans l’espace cityen autre que celle dit”des grands frères” etc.
Ce qui semble sûr, c’est que si rien n’est fait, et malheureusement, on peut craindre le futur, ces territoires vont devenir des espaces de guerre civile qui seront connectés entre eux et pourraient embraser tout le territoire. Car Michel Audoin définit bien le syndrome dit de “forteresse assiégée” qui envahit la population jeune et s’apparente à une conscience commune à tous les quartiers de se sentir persécuté et attaqué dès qu’un “étranger” s’introduit dans l’espace.
Alors, orienté ou pas, ce livre rappelle l’histoire de ces quartiers, analyse les politiques menées, en définit les manques et propose des solutions qui ont le mérite de nous alerter sur l’urgence de trouver des moyens pour raccorder de nouveau ces enclaves dans le domaine de la République, toute idée étant à étudier !
“Il n’est jamais sain de laisser des donjons parsemés le royaume, parce que l’on ne sait jamais dans quelles mains ils peuvent tomber. “
Merci à Masse critique de Babelio et aux éditions Presses de la Cité
( Mixité sociale) Pour avoir vécu de chaque côté de la frontière des conditions sociales, j’ai appris à me méfier de ce genre de concept généreux, qui conduit surtout à des malentendus, des souffrances et des discriminations.
Ces enclaves dans la géographie nationale virement entre elles un système autonome, régi par ses propres règles.
La disparition de l’industrie et l’effacement du monde ouvrier, la concentration des populations les plus démunies dans des quartiers excentrés, le chômage des plus jeunes et l’arrivée, chaque année, de cinquante mille familles aux perspectives incertaines ont rendu leur quotidien infiniment plus instable qu’il ne l’était quarante ans plus tôt .
Seules les populations d’origine subsaharienne adoptent la même attitude, parce qu’elles considèrent le logement collectif comme une marque de promotion sociale. Pour les familles originaires du Maghreb, l’occupation d’un logement social résulte d’un choix économique privilégiant le financement d’une construction”au pays”.
Certains de ces quartiers qui, dans l’imaginaire collectif, avaient symbolisé l’accession à une forme de modernité heureuse allaient subir, au terme de ce processus, un déclassement implicite: ils devenaient l’habitat des plus pauvres ou des derniers arrivés.
Le logement HLM avait été conçu comme une réponse à une situation d’urgence ; il aurait fallu y mettre un terme avant qu’il ne devienne la norme. (…)Il avait engendré, dans l’Etat, un contre-pouvoir considérable, fait d’offices publics et de sociétés anonymes, présidés par des élus locaux, remplis de collaborateurs recrutés parmi les proches, bien payés, qui mobilisaient, au niveau local, une myriade d’entreprises ou de petits artisans fournisseurs d’emploi.
L’accès au logement social fut pour tous ces gens une entrée formidable dans l’ère de la modernité. Nous étions devenus ” les petits enfants du siècle” celui de la consommation.
Ce fut mon premier contact avec le monde des HLM mais aussi, paradoxalement, avec le confort”moderne”.
L’immobilisme des couches populaires tient davantage au besoin de conserver un univers de solidarité, à la fois familial et local, qu’à la peur de perdre son adresse. Et ce comportement vaut, qu’elles que soient les origines.
Dans le même temps, des familles ont, en quelque sorte, privatisé leur logement. Depuis trois générations, elles habitent au même endroit.
Les enseignants, les policiers, les gendarmes, les magistrats et les gardiens de prison ont été priés de s’adapter à un cadre de travail anxiogène, au sein duquel l’initiative individuelle supplante, tant bien que mal, les défaillances du système collectif.
Aujourd’hui encore, les mères isolées sont deux fois plus nombreuses dans le logement social que dans le reste de l’habitat. C’est un phénomène dont on parle rarement, mais qui explique sans doute, sous l’effet du nombre, les difficultés cumulées que rencontrent les gamins des cités.
Pour cette frange de la population juvénile , la propriété publique n’est pas un concept.
Ces garçons avaient grandi dans un monde dépourvu de pères. En France, ils se confrontaient a une figure de l’autorité a laquelle ils n’étaient pas préparés. Ils resteraient rétifs à toute forme d’obéissance, refusant même de se conformer aux codes sociaux d’un pays où ils n’avaient pas choisi de vivre.
Dans l’espace de la République, on peut aller partout ; c’est d’ailleurs un droit protégé par la constitution ! Partout…, Sauf dans l’une des enclaves de ces,” cites interdites” qui dessinent sur la carte de France comme un archipel.
” La violence est devenue une valeur suprême qui permet au jeune de s’imposer à l’autre, dans un monde où celui qui est gentil n’est plus crédible, me dit-il ( Monseigneur Dubost diocèse d’Évry).
Le manque de socialisation et l’ignorance laissent béante la porte ouverte à la propagande ; ceux qui vont dans les lieux religieux ne posent pas de problème, c’est ceux qui n’y vont pas qui en posent. Il n’existe plus de représentation politique pouvant porter la parole de cette frange de la population qui pense que le système est pourri”
Cette incapacité à conserver les morts fut l’une des causes des défauts d’intégration des populations musulmanes en France.